Il y a trop souvent un aspect dans ces drames humains que l'on a tendance à oublier, c'est le poids des mots employés. On a une propension à mettre en avant l'imprudence des victimes pour justifier l'irréparable. Si parfois, les faits sont indéniables, dans certains cas, ils nous permettent de nous dédouaner de notre responsabilité en nous cachant derrière des textes légaux qui régissent l'exploitation de notre réseau. Ces textes sont-ils toujours en adéquation avec un trafic, des vitesses et des fréquentations de voyageurs qui sont des paramètres qui ont augmenté de manière exponentielle depuis un vingtaine d'année?
Celui qui régit ces traversées a trois niveaux d'application en fonction de différents calculs.
Une petite pancarte d'avertissement.
Un TVP.
Passerelle ou passage souterrain.
Le cadencement sur notre région à généré une somme d'investissements importants, pourtant, dans ces haltes ou petites gares, rien n'a été modifié concernant les traversées des voies. Lors de la mise à 200 de la ligne, sur la portion Caen, Cherbourg, la quasi totalité des passages à niveau ont disparu (il n'en reste qu'un à l'entrée de Cherbourg). Les deux gares qui avaient des passages piétons sont restées en l'état, il s'agit du Molay-Littry et d'Audrieu.
A Audrieu, il n'y a même pas de TVP, les calculs de fréquentation ne le nécessitant pas (d'après les calculs du RH qui régit les traversées de gares).
Pour Audrieu, mais aussi d'autres gares, bien des signaux d'alerte avaient été émis, y compris par les cheminots. Peut-on parler de fatalité alors que ceux qui empruntent ces endroits comme usagers ou ceux qui les traversent à 160 signalent le risque potentiel depuis longtemps?
Cet accident nous a touché, parce que nous le redoutions, parce que nous avions alerté depuis longtemps, parce que notre collègue est définitivement marqué par ce drame et que sa reconstruction est difficile.
Pour la famille de cette jeune fille, il eut été important que la reconnaissance des manquements d'exploitation aient été reconnus, que l'entreprise exprime un mea-culpa. Au lendemain de ce drame, une seule communication: « tout est aux normes à Audrieu », le tout asséné par un chargé de communication qui ne savait sans doute même pas où se situait cet endroit.
La réaction de la famille est proportionnelle au manque d'humanité et au manque de responsabilité des « décideurs » sur ce sujet. Jamais cette famille n'a mis en cause celui qui conduisait le train, au contraire, elle considère que comme eux, il est victime d'un système qui minimise les risques encourus.
Justine n'avait pas commis d'imprudence, elle a été victime à l'âge ou tout semble radieux d'une politique qui minimise les risques au regard de ce que ces investissements couteraient.
Pour nous, Audrieu n'est plus une halte comme une autre, on y passe plus s'en culpabiliser, sans penser que l'on a pas sût être assez persuasifs auprès de nos dirigeants.
Dans le cas de Montluel, cette traversée était visiblement désignée comme problématique par beaucoup. Certes, le baladeur fait partie de l'arbre des causes, mais l'absence de passerelle aussi, l'absence de présence d'un cheminot dans la gare également...
L'ambition de l'association qui a été créée suite à ce drame est de peser pour qu'enfin ces paramètres soient mis en adéquation avec le train du 21 ème siècle, pour que de tel drames humains soient évités. Comment ne pas souscrire à un tel projet?