Aller au contenu
Le Web des Cheminots

Les nanotechnologies concernent l’intérêt général


Dom Le Trappeur

Messages recommandés

Les NANOTECHNOLOGIES ... revoltages

Entretien

Alain Obadia « Les nanotechnologies concernent l’intérêt général »

Grenoble, haut lieu des nanotechnologies, accueille demain un Forum de l’Humanité

sur les enjeux liés à ce secteur.

Entretien avec Alain Obadia, membre du Conseil économique et social,

auteur d'un rapport sur les technologies de l’infiniment petit.

Lien direct avec le rapport :

http://www.conseil-economique-et-social.fr...3based/base.htm

Que recouvre exactement l’appellation nanotechnologies ?

Alain Obadia. Les nanotechnologies sont un ensemble de technologies portant sur des objets dont l’une des dimensions est inférieure à 100 nanomètres. Un nanomètre correspond à un millionième de millimètre. C’est environ 30 000 fois plus fin que l’épaisseur d’un cheveu. Si l’on s’en tient à cette définition générale, on comprend déjà que les nanotechnologies sont par essence transversales à de nombreux domaines : la mécanique, la biologie, l’électronique, les matériaux, l’énergie…

Plus précisément, quelles sont les applications possibles ?

Alain Obadia. Les nanotechnologies ne relèvent pas de la pure prospective. Elles font d’ores et déjà partie de notre vie. Par exemple, dans le domaine de l’électronique, nombre de composants ont atteint la dimension nanométrique. La lecture des disques durs des ordinateurs utilise des technologies nanométriques. Dans le domaine des matériaux, on peut évoquer, par exemple, les pare-brise hydrophobes, sur lesquels les gouttelettes d’eau n’ont aucune adhérence, ce qui les rend « autonettoyants » ; il y a également les nanotubes de carbones, déjà utilisés, entre autres, dans les raquettes de tennis, les cadres de vélo, de nombreux matériaux composites auxquels ils confèrent des qualités de solidité, de légèreté et, dans certains cas, de flexibilité. Ces qualités augmentent les performances. Grâce aux nanotechnologies, des progrès considérables sont attendus notamment en matière médicale. Elles permettraient des avancées considérables pour des prothèses ou des implants biocompatibles. D’ores et déjà, on travaille sur des médicaments mieux ciblés, sous la forme de nanocapsules, pouvant être dirigées vraiment vers les cellules que l’on souhaite traiter. Cela permettrait des progrès considérables dans la lutte contre le cancer, voire le sida, etc. Dans le domaine de l’information et de la communication, la miniaturisation des processeurs n’est pas encore arrivée à son terme. Les perspectives sont des capacités de calcul beaucoup plus importantes, c’est-à-dire une augmentation de la vitesse de traitement des informations et des capacités mémoires. De plus en plus, des processeurs seront intégrés dans les objets du quotidien : du mobilier aux équipements ménagers en passant par les textiles qui peuvent devenir « intelligents », c’est-à-dire supports de communication ou thermo-adaptables. Citons également les progrès en matière d’environnement, grâce à la détection et à la filtration de matières polluantes, ou les progrès en matière d’énergie dans le photovoltaïque ou les piles à combustible. Plus globalement, nombre de processus industriels sont concernés. Ainsi, l’utilisation des nanotechnologies est porteuse d’une nouvelle vague de développement technologique, à côté de laquelle il n’est évidemment pas question de passer.

N’y a-t-il pas un effet de mode dans le développement des nanotechnologies ?

Alain Obadia. Il est vrai qu’existe une tendance à accommoder le préfixe nano à toutes les sauces. Cet usage abusif vient du fait que les nanotechnologies représentent un domaine de pointe et sont donc considérées comme un label, une garantie de qualité et de précision. Cela étant, on observe déjà ces derniers temps un infléchissement, notamment du côté des industries cosmétiques. Celles-ci communiquent moins sur cette question et valorisent moins le préfixe nano sur leurs produits. Cela tient à ce que nous sommes encore dans les prémices de l’indispensable débat de société sur la nécessité d’une politique active de prévention des risques. Pour l’heure, ce sont les peurs qui dominent. Il est plus simple pour certains industriels, enfermés dans des logiques court-termistes, d’essayer de contourner ces - inquiétudes plutôt que de faire un réel effort de transparence et de recherche, à partir d’une prise en compte de ce que les inquiétudes exprimées ont

de légitime et de positif. Il y a aujourd’hui une véritable prise de conscience, du côté de l’opinion publique, de la nécessité de maîtriser socialement les technologies nouvelles, et les nanotechnologies en particulier. Louvoyer avec cette exigence, c’est participer à l’obscurantisme, aux idéologies de régression sociale.

Les promoteurs des nanotechnologies mettent souvent en avant le gain de temps et d’argent que celles-ci permettraient. Ce discours est-il fondé ?

Alain Obadia. Il y a indéniablement une part de vérité dans ce discours, qui correspond tout simplement à l’avancée des connaissances scientifiques et des technologies associées. Mais évidemment, on ne peut se contenter de ce discours. Il y a nécessité de maîtriser socialement le progrès technologique, son utilisation. Cela implique de définir un certain nombre de règles permettant d’appliquer le principe de précaution au bon sens du terme, c’est-à-dire comme un principe d’action raisonnée, et non comme un principe d’abstention. Un débat public transparent doit être impulsé à partir d’une expertise pluraliste, permettant que l’ensemble des questions de sécurité, de santé, mais également de respect des libertés publiques puissent être prises en compte et faire l’objet de règles préventives.

Quels risques les nanotechnologies font-elles courir aux libertés publiques ?

Alain Obadia. D’abord, il y a beaucoup de fantasmes en la matière. L’une des premières manifestations publiques du thème des nanotechnologies pour le grand public a été un roman d’anticipation (la Proie, de Michael Crichton) dont le thème était la destruction de l’humanité par des nanorobots capables de s’autoreproduire. Inutile de dire que nous sommes là dans le domaine de la plus pure science-fiction. Les nanotechnologies posent certes des problèmes de respect des libertés individuelles. Mais c’est le cas de toutes les technologies susceptibles d’être utilisées pour la localisation de personnes. La spécificité des nanotechnologies à cet égard tient à la perspective de nanopuces dans les objets de notre quotidien, qui pourraient permettre de suivre les individus partout où ils sont. C’est d’ores et déjà le cas des RFID, c’est-à-dire la détection d’objets par radiofréquence. Il est fortement question d’intégrer ces puces dans l’ensemble des objets proposés à la vente dans les hypermarchés, le but premier étant de supprimer les caisses manuelles. Mais on peut très bien envisager que chacun de nous finisse par se trouver entouré d’un halo d’objets parfaitement connus et repérables à distance par une tierce personne. Les menaces qu’une telle perspective fait peser sur les libertés individuelles constituent un enjeu de société, et non une raison de renoncer aux progrès technologiques. Il faudrait commencer par rendre obligatoire la déclaration à la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) de tous les objets susceptibles de permettre la traçabilité des individus. C’est là l’une des recommandations du Conseil économique et sociale (CES). Il faudrait aussi, à partir de là, définir les modalités de recours juridiques en cas de dérives.

Et en matière sanitaire, quels sont les dangers ?

Alain Obadia. Certains produits sont susceptibles de passer les barrières biologiques. On peut très bien envisager, par exemple, qu’une crème solaire nanostructurée, dotée de propriétés de transparence pour des raisons esthétiques, puisse éventuellement traverser l’épiderme, du fait de la taille des composants. Pour tous les produits susceptibles d’affecter le corps humain, il est très important d’élaborer des protocoles de sécurité. De même, un renforcement des règles de suivi sanitaires des salariés exposés aux substances nanoparticulaires est indispensable. Mais la France est confrontée à l’insuffisance des moyens humains dédiés à la recherche en toxicité. Nous n’avons pas assez de spécialistes dans ce domaine, tout simplement parce que les carrières ne sont pas suffisamment valorisées. Il incombe aux pouvoirs publics de changer cette donne. C’est essentiel si nous voulons vraiment avancer dans la voie d’une maîtrise sociale des technologies. Le CES préconise un effort de formation et de recherche de très grande ampleur. Les moyens financiers nous paraissent devoir être affectés prioritairement à trois domaines particuliers : d’abord, l’étude des nanoparticules les plus utilisées industriellement, c’est-à-dire celles qui sont déjà sur le marché ou qui vont l’être. Ce sont par exemple les nanotubes de carbone, dont la forme peut être agressive pour l’organisme humain. Ensuite, l’effort de prospective doit porter sur toutes les nanoparticules appliquées au corps humain. Enfin, des recherches sur les différentes étapes du cycle de vie des nanoobjets ou nanomatériaux sont urgentes. Que deviennent les nanotubes intégrés dans les matériaux composites des objets éventuellement abandonnés dans la nature ?

Comment les citoyens peuvent-ils influer sur ces questions nécessitant une grande expertise ?

Alain Obadia. Des cadres existent déjà, à partir desquels impulser le nécessaire débat citoyen. En premier lieu, les institutions publiques, du Parlement aux conseils régionaux en passant par les conseils économiques et sociaux régionaux (CESR), devraient être à l’initiative. La Commission nationale du débat public (CNDP) devrait, plus globalement, être chargée d’organiser et de dynamiser ce débat sur les nanotechnologies. Elle pourrait - organiser des conférences citoyennes, avec des procédures clairement définies. Un panel de citoyens doit d’abord être constitué, puis informé à partir d’une expertise pluraliste de l’ensemble des données du problème. Partant, le débat peut faire l’objet de conclusions, portées à la connaissance des pouvoirs publics. Mais encore faut-il qu’on renforce les moyens de la CNDP. On voit bien que le nombre de problèmes, notamment technologiques, nécessitant débat national est en train d’augmenter. La CNDP n’est pas en situation aujourd’hui de pouvoir faire face à cet - ensemble de responsabilités en forte augmentation. Une telle dynamique permettrait que le débat prenne corps à une échelle plus vaste. Il ne s’agit pas d’exiger ou de prétendre que tous les citoyens deviennent experts, scientifiques. Il s’agit de leur donner les arêtes des débats entre experts. Car c’est à partir de la saisie des contradictions que s’exerce réellement la démocratie, que se forgent les jugements, que s’évaluent les précautions à prendre. Au fond, les nanotechnologies, par les questions qu’elles posent, sont une bonne occasion de faire progresser une véritable démocratie participative, c’est-à-dire une appropriation par les citoyens des questions d’intérêt général en lien direct avec leurs vies quotidiennes, y compris du point de vue du progrès social. Car les nanotechnologies ne posent pas question que pour les consommateurs, mais aussi pour les producteurs, les salariés. Ce domaine d’activité en pleine expansion ne va pas compenser les pertes d’emplois massives dans d’autres secteurs. Mais on peut espérer impulser de nouvelles règles sociales à partir de la démocratisation des enjeux économiques liées aux - nanotechnologies.

Mais la compétition internationale sur ce créneau n’est-elle pas déjà trop forte ?

Alain Obadia. La compétition n’en est encore qu’à ses débuts. On peut donc, peut-être plus facilement que dans d’autres domaines, intervenir pour des politiques de coopération internationale. Nous pouvons éviter le dumping environnemental et - social, dans la mesure où l’élaboration de normes communes pour les productions ayant recours aux nanotechnologies est encore embryonnaire. À l’inverse, si nous n’agissons pas dans ce sens, les conséquences peuvent être encore plus graves que dans d’autres secteurs, avec l’importation de produits ne respectant pas les règles optimales. Nous sommes face à un enjeu de civilisation. La concurrence inhérente au capitalisme conduit les pays émergents, Chine et Inde en tête, à se lancer dans la course à l’innovation nanotechnologique. La Chine est par exemple très active en matière de normalisation des - nanotechnologies. Si les citoyens, les peuples ne s’emparent pas maintenant de la gestion de ces progrès, ceux-ci peuvent alors se renverser en leur contraire, entraîner l’humanité dans une spirale régressive. Des bases solides existent aujourd’hui, avec les nanotechnologies, pour dépasser durablement les logiques de concurrence au-delà même de ce secteur d’innovation, en créant un précédent pour repenser l’économie à partir de finalités sociales, humaines. La définition de normes est un des moyens importants pour faire prévaloir un certain nombre d’impératifs en matière de santé et d’environnement. L’échelon national, notamment pour la France, doit parallèlement être réévalué. Nous avons des atouts, notamment l’existence du pôle Minatec-Minalogic à Grenoble. Ce pôle est structuré autour du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), une entreprise publique. Mais nous savons que des pressions se développent contre la recherche publique, pour qu’elle se plie aux impératifs de profit des grands groupes. La solution face à cela passe évidemment par une revalorisation de la recherche fondamentale, notamment par des moyens financiers supplémentaires pour ce volet scientifique crucial et ceux qui le font avancer. L’autre aspect de la solution implique de développer la densité de notre tissu industriel, beaucoup trop faible par rapport à d’autres pays européens comme l’Allemagne. En France, il y a trop peu d’entreprises de taille moyenne, se situant entre 250 et 3 000 salariés. Dans les nanotechnologies, les petites structures peuvent exister dans certains domaines (notamment les biotechnologies) ; en revanche, dans d’autres, notamment l’électronique ou les matériaux, les investissements sont tels qu’il faut une certaine dimension pour les assumer. Plus généralement, nous préconisons de mobiliser le crédit en fonction d’un certain nombre de critères attachés aux projets : - développement de productions innovantes, critères sociaux et environnementaux, créations d’emplois durables. On voit, avec les nanotechnologies aussi, combien la mobilisation pour que les aides octroyées aux entreprises soient conditionnées à la tenue d’engagements chiffrés renvoie à un choix de société, à la volonté ou non de partager les acquis de la science pour impulser de nouveaux progrès.

Entretien réalisé par Laurent Etre

http://www.conseil-economique-et-social.fr...3based/base.htm

Modifié par Dom-trappeur
Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Ben ça vous intéresse pas...

Pourtant y'en a partout dans nos matos maintenant...

Si c'est interressant, mais autant, sur les emballage il y a la composition (médicaments ou para pharmacie) autant, je n'ai jamais vu une mention concernant les nanomateriaux ou les nanotechnologie sur ce type d'emballage (un peu a l'image des OGM en alimentaire)

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Si c'est interressant, mais autant, sur les emballage il y a la composition (médicaments ou para pharmacie) autant, je n'ai jamais vu une mention concernant les nanomateriaux ou les nanotechnologie sur ce type d'emballage (un peu a l'image des OGM en alimentaire)

Il y a effectivement des questions importantes qui se posent au moins dans trois domaines concernant les nanotechnologies :

l'alimentaire

le médicament

et dans le domaine des libertés individuelles et collectives (possibilité de traçabilité)

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Ben ça vous intéresse pas...

Pourtant y'en a partout dans nos matos maintenant...

Bonjour, si moi ça m'intéresse...

élève ingénieur j'ai l'occasion d'assister à pas mal de conférences et je ne partage pas forcèment l'optimisme béat de certains:

On s'aperçoit que nous vivons dans un monde où il y a de plus en plus de sciences et de plus en plus de problème...

quelles sont les causes majeures des grands problèmes (de santé notamment) liés au développement des technologies? Finalement on s'aperçoit qu'il y a une trop grande compromission des scientifiques avec les intérêts économiques, une forme de trop grande sureté en soi et d'emballement; bref un grand mépris du princip de précaution.

J'assistais justement hier soir à une conférence de l'éminent Professeur Jean- Marie PELT, il a une vision très nuancé des nanotechnologies... nous somme peut être face à un danger très grand! Certains profs commencent à s'alarmer de leur utilisation en cosmétique notamment. Mais cette question est une question que l'on va être amené à se poser dans le futur: ce sont les problèmes de demain.

La science n'est pas mauvaise en soi, à condition qu'elle ne se prostitue pas (du moins pas, trop soyons réalistes), en restant humbles et en n'ayant pas peur de faire preuve de mesure et précaution on peut arriver à limiter les impacts négatifs de tel ou tel avancé.

Donc nanotechnologie: pourquoi pas... seulement attendons d'étudier le problème avant de répandre ça partout de manière irréfléchie: c'est valable pour tout OGM, téléphonie mobile.

Pour ceux que ça intéresse vous pouvez vous renseigner sur le programme européen REACH, ça concerne les molécules chimiques.

Enfin pour tous les gens de mauvaise foi, les sceptiques, les scientifiques compromis: JM Pelt nous a apporté une explication qui après coup semble évidente, seulement faut-il y penser:

on teste une molécule seule pour voir ses effets éventuels: on obtient des résultats peu clairs parfois rassurant... Oui sauf que l'on n'explique pas que les effets synergiques sont différents de l'effet d'UNE molécule. En effet, les molécules s'associent et il y en a déjà des quantités très grande dans la nature, donc une nouvelle prise isolèment peut ne rien faire de bien dangereux, mais associée aux autres => catastrophe.

Cordialement

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

  • 1 année plus tard...

C'est ardu mais intéressant...

tribunes & idées

Les nanotechnologies sont au cœur de la bataille idéologique

PAR JÉRÔME RELINGER, RESPONSABLE DU SECTEUR « RÉVOLUTIONS NUMÉRIQUES ET SOCIÉTÉ DE LA CONNAISSANCE », CONSEIL NATIONAL DU PCF.

ConnaÎt-on réellement leurs risques sur la santé et l’environnement ? Après les révolutions industrielle et informationnelle, nous vivons le troisième bouleversement sociotechnique des modes de production  : les nanosciences et les technologies nanobio (NST). Ouvrant la voie du milliardième de millimètre à la construction de machines, elles permettent la manipulation de la matière à l’échelle de la molécule. Elles introduisent des fonctionnalités invisibles dans les objets, mais aussi, irrémédiablement, des mécanismes fonctionnels dans le vivant. Elles ouvrent des perspectives exceptionnelles et d’immenses potentiels d’application dans tous les domaines, amplifiés par leurs convergences avec les biosciences et la révolution numérique.

Les nanoparticules sont déjà disséminées dans nombre de secteurs industriels  : cosmétique, emballage, micro-informatique… 2 000 d’entre elles sont commercialisées dans plus de 600 produits aussi omniprésents que les téléphones portables. Les possibilités industrielles et commerciales sont colossales, tirant 40 % de croissance par an  : 3,5 milliards d’euros dans le programme-cadre de recherche et développement de l’Union européenne  ; 1,6 milliard de dollars pour 2010 à la National Nanotechnology Initiative aux États-Unis  ; un chiffre d’affaires mondial estimé à 1 000 milliards de dollars en 2015… mais pas de projet d’intérêt public structurant l’ensemble de ces investissements.

Or, la sophistication des nanotechnologies rend leur développement et leur utilisation possibles uniquement par des structures techno-industrielles lourdes produisant à grande échelle. Et les exemples de l’énergie renouvelable, des véhicules électriques ou des médicaments génériques montrent que ceux qui n’ont pas d’intérêt immédiat à développer des technologies émergentes dans le sens de l’intérêt général ne le font jamais sans contrainte. L’orientation de progrès social, l’intérêt public et la maîtrise citoyenne des NST passent donc par un secteur public européen ou mondial, harmonisant les besoins d’investissements et de coopérations mutuellement avantageuses. Le débat scientifique et citoyen doit être à l’origine de la définition d’objectifs démocratiques, protégeant de l’enfermement, par le brevet, les innovations fondamentales.

En l’absence de ce contexte politico-industriel, les besoins d’investissements ont au contraire renforcé la concentration de grands groupes à chaque fois que possible sous perfusion d’argent public. L’élaboration de normes NST étant embryonnaire, le dumping environnemental et social se met en place  : le « code de bonne conduite » de la Commission européenne ne pèse rien face à l’appétit mondial du secteur. Il n’y a à ce jour aucune réglementation particulière concernant les nanotechnologies, ni test exigé avant que des nanomatériaux ne soient utilisés dans les aliments, les emballages, les produits agricoles… Comment, dès lors, pourrait peser le débat citoyen nécessaire à l’acceptation raisonnée des conséquences et risques sur nos quotidiens et nos inconscients – risques dont on ne sait pas, même aujourd’hui, mesurer la portée.

Comment vont se comporter, sur la santé et la nature, ces nano-organismes  ? Comment gérer la présence de micropolluants industriels  ? La dissémination des nanotubes de carbone non biodégradables n’est-elle pas de même nature que la pollution à l’amiante  ? Comment s’assurer de la traçabilité des NST au sein du corps humain  ? Comment marquer les niveaux de transformation invisibles d’objets qui paraissent encore « naturels »  ? Quels effets pourraient avoir d’éventuels nanovecteurs pharmacologiques sur les mécanismes physiologiques comme le passage de la barrière sang-cerveau  ? La matière manipulée à l’échelle du nanomètre se comporte de façon aussi peu connue que la radioactivité, il y a cent vingt ans.

La technologie est enfin au cœur de la bataille idéologique. Fabrique permanente de l’opinion, contrôle médiatique et sémantique  : derrière l’abondance des canaux de diffusion prévaut l’impérialisme culturel industrialisant les processus de domination idéologique des salariés, des consommateurs, des citoyens. Avec ces outils de contrôle et de nivellement, maîtriser les goûts et canaliser les pulsions devient plus qu’un secteur économique, c’est une des raisons d’être du psycho-pouvoir. Les NST vont en permettre la systématisation omniprésente, dans l’illusion d’une liberté individuelle fantasmée.

Le développement des NST appelle donc de grandes précautions exploratoires. Nous en sommes loin. En 2006, sur les 8 milliards d’euros consacrés à la recherche et développement du secteur, 0,4 % ont été consacrés à la recherche sur les risques – dont ceux pour la santé. Sur le plan démocratique, l’échec annoncé du pseudo-débat public terminé en février dans l’indifférence (3 000 participants à peine, en six mois, ne débouchant sur aucune proposition, ni aucune préconisation concrète) montre que le législateur se satisfait de l’ignorance et de la défiance, utiles à la stratégie de l’acceptation.

Le flou sur la possibilité d’un contrôle collectif de l’évolution des sciences et techniques est également entretenu par une futurologie inébranlablement positive, promettant des avenirs meilleurs en forme de supermarchés de banlieue. Derrière l’enthousiasme des boutiquiers, la dimension fataliste des prévisions détourne de l’action collective le corps social, jouant un rôle performatif au projet néolibéral sous-jacent. 
La futurologie mêle ainsi indissociablement des savoirs avérés, des théories, mais aussi une volonté idéologique  : la prédiction modèle l’avenir. Les NST servent ainsi un positivisme moderne, orientant les révolutions technologiques de demain uniquement en fonction des intérêts des puissants d’aujourd’hui. En implantant au cœur intime de la matière des capacités opérationnelles et cognitives, va-t-on faire disparaître tout idéal politique et démocratique  ?

Nous sommes ici au cœur des contradictions du stade de développement du capitalisme cognitif, entretenant les citoyens dans une fausse alternative  : subir sans comprendre les risques d’investissements ultracourt-termistes, ou refuser les avantages du progrès technique. En réaction, certains voudraient de nouveau « casser les machines », barricader l’opinion publique dans la défiance et le renoncement. Ce serait là confondre les avancées scientifiques et le contexte sociopolitique dans lequel elles se font.

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Ben ça vous intéresse pas...

Pourtant y'en a partout dans nos matos maintenant...

deux inquiétudes pour moi :

1- la traçabilité

2- les nanos tubes de carbones qui sont considérés comme des fibres d'amiante (au niveau taille) ,je ne fait pas un dessin !

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

Créer un compte ou se connecter pour commenter

Vous devez être membre afin de pouvoir déposer un commentaire

Créer un compte

Créez un compte sur notre communauté. C’est facile !

Créer un nouveau compte

Se connecter

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous ici.

Connectez-vous maintenant
×
×
  • Créer...

Information importante

Nous avons placé des cookies sur votre appareil pour aider à améliorer ce site. Vous pouvez choisir d’ajuster vos paramètres de cookie, sinon nous supposerons que vous êtes d’accord pour continuer.