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Le Web des Cheminots

lettre ouverte au PDG de France Télécom


bagnis

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Je me permets de mettre en ligne cette lettre.

En sachant que Mr BON ex PDG de France Télécom a été invité par Mr Pépy dans un colloque, pour nous expliquer les vertus de la libéralisation et de le féliciter pour sa gestion économique et sociale.

A vous de juger.

Lettre ouverte

Devant le désastre humain de ces derniers jours, je me permets de vous interpeller pour apporter ma vision d'agent France Télécom sur ce séisme que vous n'avez pas vu venir, enfermé que vous êtes dans votre tour de Babel. J'estime de mon devoir de vous faire part de mes réflexions pour comprendre comment on en est arrivé là. Je suis convaincu que vous n'avez pas le monopole de la vérité, malgré votre fonction de PDG.

Avec les PDG qui vous ont précédé, MM. Bon et Breton, vous avez planifié, programmé avec des juristes, des experts, des consultants, des organismes de formation pour cadres, une politique de management et organisationnelle pour mettre sur les rails du capitalisme pur et dur notre entreprise. À travers cette politique, vous avez laminé les syndicats, vous avez éloigné inexorablement les centres de décisions en augmentant les territoires des directions régionales, ne laissant sur le terrain au plus près de vos agents que quelques petits chefs issus de leurs rangs pour servir de liens.

La première grosse erreur de cette politique a été de spolier l'identité professionnelle de la majorité de vos agents venant des PTT avec de réelles formations de métiers. Le lien sur le terrain dévolu à ces cadres « N+1 » n'avait plus rien de social. Ce n'était, ce n'est qu'un relais pour mettre en place vos méthodes, vos processus, vos directives, vos aspirations de suppressions d'emplois, pour être crédible auprès des marchés financiers. Beaucoup ne se rendent pas compte du rôle que vous leur avez fait jouer ou qu'ils jouent encore.

Les syndicats, parlons-en… Stratégiquement, là aussi tout était planifié. Par des restructurations incessantes, vous les avez confinés année après année, changement de périmètre après changement de périmètre, dans un travail de réorganisation permanent pour répondre à votre mise en place des institutions représentatives du personnel (lRP). Vous avez voulu des syndicats affaiblis. Vos fiançailles avec les marchés financiers, les actionnaires, vous ont poussé à détruire insidieusement les contre-pouvoirs garants des équilibres sociaux. Certainement au-delà de vos espérances…

Oui, pendant des années, devant le peu de lutte collective d'envergure, vous avez cru gagner. Vous pensiez, comme notre président de la République, que « quand il y a une grève à France Télécom, on ne s'en rend plus compte ». En surfant sur la démagogie et sur l'individualisation à outrance, vous avez mis en place votre politique de restructurations incessantes de vos services.

Après la perte d'identité professionnelle, la perte d'identité géographique : mobilités forcées, imposées. Avec à la clé un travail répétitif, sans autonomie, à la place d'un vrai métier.

Quel projet proposez-vous à ces personnels en errance pour se reconstruire ? Votre projet d'entreprise ? Croyez-vous sincèrement qu'ils puissent y adhérer ? Quel manque de discernement !

Pour casser toute velléité, mise en place d'un management impitoyable, infantilisant, ou dans chaque parole des cadres on entend les mêmes réponses, les mêmes allégations, les mêmes phrases, les mêmes arguments, à la virgule près, pour nous faire accepter l'inacceptable. Sans oublier les chiffres, les indicateurs… Ces années que vous avez planifiées sont d'une violence inouïe. Je suis sûr que l'histoire le jugera un jour ou l'autre. Et voilà que cette violence vous revient en pleine figure, comme un boomerang.

Vous avez cru gagner mais vous avez perdu. Ne laissant que peu d'espace à l'expression démocratique, aux luttes collectives, aux résistances organisées, en méprisant la représentation syndicale (il suffit de lire les réponses faites aux questions des délégués syndicaux et des délégués du personnel où ne transpirent qu'arrogance, suffisance, mépris), vous n'avez pas vu ou pas voulu voir apparaître depuis quelques années une nouvelle forme de lutte insidieuse, souterraine : le suicide… La nature a horreur du vide. Sur les conseils éclairés de certains experts ès communications à la solde des décideurs économiques et politiques, vous avez fanfaronné, dénié ce sujet. Vous avez sali la mémoire des premiers collègues disparus en les méprisant, en cantonnant leur geste désespéré dans des problèmes familiaux, personnels.

Quelle erreur, quel dédain, quelle suffisance ! À force de ne côtoyer que les arcanes des pouvoirs politiques, économiques, médiatiques, on en devient aveugle… Les travailleurs, les gens de peu, les millions de personnes n'ayant pas de Rolex à cinquante-cinq ans n'existent plus…

Et pourtant, la médecine du travail, malgré son peu de moyens, vous alertait. Les comités d'entreprises (CE), les comités d'hygiène et de sécurité (CHSCT) aussi. Mais la victoire est une drogue douce, elle enivre, elle isole, elle grise. Votre rouleau compresseur écrasait tout sur son passage. Les bénéfices année après année justifiaient vos choix auprès des marchés. Vos actionnaires vous remerciaient…

Devant ce no man's land de luttes dignes de ce nom, ces signaux puérils de détresse ne vous inquiétaient pas. La puissance de votre communication étouffera à travers les médias ces résidus de gêne d'image de la marque, pensiez-vous. La voie royale du libéralisme était dégagée. On a gagné ! on a gagné ! Et puis le grain de sable. Vos agents hommes, femmes qui veulent vivre debout, dignes, devant votre mutisme, osent symboliquement perpétrer leur suicide sur leur lieu de travail. Crime de lèse-majesté…

En réponse, toujours votre mépris. Pour calmer les médias, vous faites dire par un de vos directeurs : « À France Télécom, on ne se suicide pas plus qu'ailleurs. » Quelle gaffe ! Quel camouflet pour ces hommes et ces femmes ! Vous rendez-vous compte où vous a mené votre aveuglement ? Obliger vos agents avant leur dernier geste à bien préciser qu'ils n'avaient pas de problèmes familiaux, financiers ou autres. Leur problème, c'est bien France Télécom, c'est bien la politique managériale que vous avez mise en place. C'est une violence supplémentaire à laquelle je ne trouve pas de nom. C'est une insulte à la dignité de ces personnes et à leur famille. Ce que j'ai écrit et affiché sur mon lieu de travail avant les événements du 10 septembre 2009 (un collègue qui se poignarde) et du 11 septembre (une collègue qui se défenestre), malheureusement me donne raison : « Le pire est à venir. »

Votre réunion du 10 septembre dernier n'apporte qu'une partie des réponses aux attentes de ces centaines d'agents en stand-by. La mise en place d'un audit extérieur, quelle désillusion, quel manque de respect pour vos équipes de médecine du travail, des élus du CE et du CHSCT qui n'ont eu de cesse de vous alerter, signaler les dérives, les ravages de votre politique à travers des rapports. Peut-être étaient-ils rédigés en chinois et vous n'avez pas daigné les traduire ?

Il est encore temps de les lire…

À l'heure où nous en sommes, que vous reste-t-il pour demeurer crédible auprès de vos agents ?

Soit vous reconnaissez publiquement votre responsabilité dans la souffrance de vos agents, avec en parallèle de véritables négociations avec les syndicats pour infléchir cette politique.

Cette décision serait un geste fort, à même de calmer cette spirale infernale. Elle demande du courage et du coeur… Soit vous restez droit dans vos bottes en niant les relations de cause à effet de votre politique et là, effectivement, je redoute le pire…

Je n'accepterai pas, pour ma part, la troisième solution qui se dessine. C'est-à-dire la mise en place du repérage des agents potentiellement à risque pour un traitement individualisé pour les éradiquer, les gommer, les culpabiliser, les stigmatiser et recommencer comme si rien n'était arrivé.

Veuillez accepter cette humble contribution à votre réflexion ; humainement, pour tous mes collègues, je ne pouvais plus me taire.

Malgré la souffrance qui m'écorche, recevez mes respects.

Ceci est mon « code alliance » à France Télécom, car en tant qu'être humain, je n'existe plus depuis 2002 dans votre entreprise.

DYDO 5403

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ça me rappelle quelques pratiques de la direction sncf avant que je ne quitte cette entreprise pour une retraite bien méritée...

http://eco.rue89.com/2009/10/02/un-cadre-d...s-ete-robotises

Un cadre de France Télécom : « On a tous été robotisés »

Par Guillemette Faure | Eco89 | 02/10/2009

Selon ce témoin privilégié, les dirigeants affrontent la crise sans changer les méthodes brutales décriées en interne.

Conférence de presse de Xavier Darcos et de Didier Lombard à propos des suicides à France Telecom (C. Platiau/Reuters)

Le terme de salariés « fragiles » a remplacé celui de « à faible employabilité ». Mais d'après le témoignage d'un cadre de France Télécom à Eco89, la direction répond à la « crise » actuelle sans changer ses pratiques managériales. « Ils ont compris qu'il y avait un problème mais ils continuent sur le même schéma. »

En 2002, Thierry Breton arrive à France Télécom, suivi un an plus tard de son lieutenant, Louis-Pierre Wenes, numéro deux du groupe, aujourd'hui cible de virulentes attaques internes. Petit à petit, raconte ce cadre, se met en place un « fonctionnement militaire » où les ordres viennent d'en haut et où les voix dissidentes sont écartées :

« Dès qu'il y en avait un pour l'ouvrir, on lui disait de se taire, plus personne ne disait rien. Ceux qui s'exprimaient et disaient ce qu'ils pensaient ont été écartés, c'est comme ça qu'on est devenu des moutons. »

En interne, on parle alors des « hors jeu » pour les managers un peu rebelles qui disent ce qu'ils pensent.

Le terme fait partie d'un nouveau langage reflet d'une nouvelle culture d'entrepris :

« Il fallait repérer ceux, trop nombreux, “qui ne pouvaient pas suivre”, car considérés comme faibles. On entend aussi parler des “gens à faible employabilité”. »

« Il n'y avait plus d'innovation, il ont sorti le système des idées-clics »

« On dit que les techniciens sont robotisés, mais tout le monde a été robotisé », résume ce cadre qui décrit une organisation où tout est soumis à objectif et tout est contrôlé.

Dans les entretiens d'évaluation, « on demande “c'est quoi ton chiffre ? ” mais on oublie le travail quotidien ou des contributions plus qualitatives ».

A chaque question soulevée, répondent de nouvelles directives avec leurs tiroirs d'objectifs.

« Quand ils ont réalisé que les réunions d'équipe étaient oubliées pour satisfaire aux exigence de la performance et à la pression de la mise en compétition interne, Wenes a fixé un nouvel objectif à satisfaire : le nombre de réunions.

“Et quand ils se sont rendus compte qu'avec ce système, il n'y avait plus d'innovation, ils ont sorti le système des idées-clics. On nous a donné un objectif d'idées-clics et la part variable (du salaire) des cadres dépendait de la réalisation de cet objectif.”

“Quand on essaie de vous alerter, vous prenez ça pour une critique”

Quand les médias relaient de nouveaux suicides en septembre, c'est la panique et la peur que ça arrive dans sa propre entité -la peur de passer aux yeux des dirigeants comme responsable, de ne pas avoir tout fait pour “repérer” et aider un salarié “fragile”. “Ils ont nommé un directeur de ‘la crise’”. Et il y a des “conférences sanitaires” avec les médecins pour faire “remonter les personnes fragiles.”

Une réunion de cadres été organisée mercredi. Il s'agirait maintenant de créer quelque postes à faible valeur ajoutée pour ceux qui ne “peuvent pas évoluer”.

“Quelqu'un a parlé d'un problème de liberté d'expression en disant ‘quand on essaie de vous alerter, vous prenez ça pour une critique’, Wenes lui a répondu, parce que les cadres aussi sont infantilisés, qu'il ne fallait pas hésiter à poser des questions si on ne comprenait pas. C'est sa conception de la liberté d'expression… Au fond, rien n'a changé.”

Modifié par Dom-trappeur
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Salut, Superbes témoignages okok qui ne font que renforcer ma mdrmdr

Le monde soit disant moderne des entreprises ( car il n'y a pas que chez france télécom que les salariés se suicident ), où l'homme est un outil comme les autres, on use, on presse et on balance.

Pour le reste," no comment ", ils verront bien quand on leur foutra sur la tronche. okok

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La logique libérale est basée sur la performance économique qui prime sur tout et qui brise tout ce qui lui résiste... La culture de service public lui est étangère, seule compte la performance à tout prix et l'usager devient un client.

Les ex entreprises publiques qui rentrent dans la logique du profit sont celles dont les salariés souffrent le plus, parce qu'il y a transformation de la nature même du travail et des relations sociales.

Ce n'est même pas une question de privé/public. Il existe des entreprises du privé au sein desquelles d'autres formes de management existent. Ce sont celles de l'économie sociale, qui peuvent avoir une belle image économique. Elles sont à l'écoute à la fois de leurs clients et de leurs salariés. Leur différence majeure avec les entreprises capitalistiques : elles n'ont pas d'actionnaires à rémunérer, tous les bénéfices sont réinvestis ou alimentent les fonds propres... et le métier est la raison de travailler.

Et lorsque une entreprise de l'économie sociale change de statut, il peut lui arriver ce qui est arrivé à la camif-particulier : le clash final et le dépôt de bilan ...

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La lettre m'a touché, surtout la dernière phrase avec le code de la chose (pardon de l'être humain qui a brillament écrit cette lettre)

Par contre, réclamer comme font certains, la démission du PDG est totalement grotesque. Quel est l'intérêt ? Remplacer Mr Lombard par un autre "guignol" qui conduira la même politique...

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  • 3 semaines plus tard...
  • 3 années plus tard...

Pau : Un cadre de France Télécom se suicide à son domicile

Un responsable logistique du bureau France Télécom de Pau (Pyrénées-Atlantiques), mis à pied, est mort lundi 04 mars 2013 au matin, après s'être immolé par le feu à son domicile ...

à lire ici :

http://www.francetvinfo.fr/un-cadre-de-france-telecom-s-immole-par-le-feu-a-son-domicile_274379.html

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