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Le Web des Cheminots

Lettre 19 mai 2010 de Didier LeReste CGT aux parlementaires


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Montreuil, le 19 Mai 2010

Madame, Monsieur

Monsieur le Député,

Comme vous le savez la SNCF a vécu en Avril dernier un conflit social important mobilisant pendant deux semaines les conducteurs de trains, les contrôleurs et les cheminots travaillant dans l’activité Fret. Dans certaines régions d’autres catégories de personnel étaient également impliquées dans le mouvement de grève.

Pourquoi un tel conflit et pourquoi a-t-il duré quinze jours ?

Confrontés aux transformations lourdes et à leurs conséquences qui affectent la SNCF depuis pas mal de temps déjà, qualifiées en interne par certains cadres dirigeants de « violentes » et « brutales », les cheminots n’ont eu de cesse d’essayer de se faire entendre d’une direction qui privilégie les passages en force et dont la grande ambition est de diviser les syndicats.

Le dialogue social dans une grande entreprise publique qui devrait être exemplaire de ce point de vue mérite mieux !

Une des principales difficultés que nous rencontrons est la conception toute particulière qu’a la direction de la SNCF du dialogue social et de la négociation.

Contrairement à ce que lance à la cantonade sur la place publique, le Président de la SNCF, on ne négocie pas, on échange, on commente, on bavarde, mais les décisions, les projets et autres stratégies de l’entreprise ne sont pas discutables. En conséquence de quoi, le dialogue social ne produit pas de plus value et la conflictualité sociale se développe de ce fait.

Pour la Direction, les organisations syndicales devraient se cantonner à aider à la mise en œuvre, à accompagner les stratégies patronales sur lesquelles on leur conteste le droit de discuter ou pour le moins on ne les entend pas. Cela se résume à vendre la facture sociale aux cheminots au prix de quelques mesurettes délivrées de ci de là, que la direction n’hésite pas à présenter comme étant le produit « d’intenses négociations ».

C’est nous faire prendre des vessies pour des lanternes ! Si d’aucuns s’en accommodent, notamment les syndicats que la direction SNCF qualifie de « modernes » et « matures », ce n’est pas le cas de la CGT. Nous considérons que même si nous ne sommes pas dans un système à l’allemande de co-élaboration, de cogestion, les organisations syndicales, notamment la plus représentative d’entre elles, devraient être mieux entendues et respectées dans une grande entreprise publique comme la SNCF.

De ce point de vue et sans prétention mal placée, nous estimons que si on avait mieux écouté la CGT sur des restructurations qui ont été engagées sans concertation et au pas de charge, l’entreprise et ses usagers n’auraient pas connu, ces derniers mois, une recrudescence de dysfonctionnements altérant au quotidien la qualité de la production et l’efficience du Service Public.

L’exemple le plus emblématique et le plus inacceptable à la fois est bien celui du Fret, confronté depuis des années à des stratégies incohérentes, rythmées par des plans successifs qualifiés et reconnus comme autant d’échecs par l’actuelle direction de la SNCF. Comme les précédentes, l’actuelle restructuration affectant FRET SNCF est aux antipodes des décisions et ambitions du « Grenelle de l’Environnement » puisque, par exemple, elle va jeter 1 200 000 camions supplémentaires sur les routes d’ici 2012.

Le conflit social d’avril 2010 aurait pu être évité ou pour le moins réduit dans sa durée et ce pour plusieurs raisons.

Les différentes mobilisations, notamment des grèves limitées à 24h, qui ont eu lieu ces derniers mois portaient toutes sur les questions de l’emploi (24 000 supprimés depuis 2002 et près de 8 000 suppressions sont prévues d’ici 2012…), les salaires (+0,9% d’augmentation en 2010 et non 3,6% !), les réorganisations déstructurant et induisant l’éclatement de l’entreprise, la casse de Fret SNCF, les méthodes managériales et la souffrance au travail qu’elles entraînent.

Alors qu’elle en avait les moyens, pas ou peu de réponses ont été apportées par la direction à ces mobilisations et aux concertations qui les ont précédées, si ce n’est d’envisager des retours d’expérience de certaines réorganisations et d’examiner la possibilité de réinternaliser quelques charges de travail. C’est notoirement insuffisant au regard des enjeux.

Ce qui a été présenté de façon caricaturale comme un « marathon de négociation » ayant permis à la CFDT/FGAAC de lever son préavis de grève, annoncé d’ailleurs en interne et en premier par la direction, relève de la supercherie.

En effet, la direction a exhumé pour l’occasion des mesures, notamment sur l’emploi, qui avaient été actées en 2009 pour les mettre au crédit de cette pseudo négociation.

La seule annonce nouvelle aura porté sur le recrutement supplémentaire de 150 cheminots (100 pour l’infra et 50 pour la Direction des circulations ferroviaires).

Oui, nous affirmons que ce conflit aurait pu être évité si la direction de la SNCF n’avait pas retiré le lendemain sa proposition faite le 31 mars d’une « négociation transverse » concernant l’ensemble des métiers que la CGT avait acceptée.

C’est dire si le choix dogmatique de l’affrontement, donc du conflit a été privilégié par la direction et la posture affichée au début du mouvement « pas de négociation pendant la grève » confirme et renforce cette orientation.

Cela nous paraît grave et dangereux pour la démocratie et confine en quelque sorte au déni du droit constitutionnel de grève.

Fort heureusement l’esprit de responsabilité et la détermination des cheminots grévistes auront, avec leurs syndicats CGT, contraint les directions à négocier pendant le conflit, comme cela doit se faire dans toute entreprise lorsqu’il y a une grève et à fortiori dans une entreprise publique de transport.

La détérioration du dialogue social et par voie de conséquence des relations sociales, qui bien au-delà de la CGT est relevée et déplorée, constitue la clé de voûte des difficultés rencontrées et explique, pour une large part, le développement de la conflictualité sociale.

S’il fallait s’en convaincre, prenons le dernier exemple en date.

Les élus du comité d’établissement régional de Lyon ont reçu le 12 Mai 2010 un dossier portant l’évolution du siège de leur région qui intégrera l’essentiel des prérogatives actuelles de la direction régionale SNCF de Chambéry.

C’est une évolution lourde qui aura des conséquences dans nombre de domaines puisque c’est quasiment à ce niveau la fusion des régions SNCF de Lyon et de Chambéry dont il s’agit.

Vous admettrez avec nous que cela supposerait pour le moins une concertation approfondie avec les élus du personnel et les organisations syndicales.

Au vu du calendrier fixé, il en sera tout autrement. Une information sera donnée au Comité d’Etablissement de Lyon le 26 Mai et il sera consulté le 29 Juin 2010…pour une mise en œuvre du projet le ...1er Juillet 2010 !?

Le comité d’Etablissement des Cheminots de Chambéry pourtant le plus concerné par cette évolution, ne sera quant à lui pas consulté ! C’est inacceptable !

Cet exemple est à lui seul révélateur de comment le dialogue social est mené dans notre entreprise notamment sur des dossiers lourds d’enjeux.

Cette façon de passer en force, de contourner les organisations syndicales singulièrement la première ou de s’évertuer à diviser et à opposer celles-ci a ses limites. Elle est dangereuse pour tous et elle ne peut plus durer au risque de se retrouver dans des situations conflictuelles inextricables et préjudiciables au plus grand nombre.

Pour avoir des négociations apaisées, comme le suggère le Président de la SNCF, encore faut il s’accorder sur ce que l’on entend par négociation et que le refus même de discuter des stratégies patronales ne peut que conduire à radicaliser les positions des uns et des autres.

Contrairement à ce que martèlent ceux qui ne veulent pas de négociation, nous ne sommes pas des « gréviculteurs », mais pas non plus des « porte-serviettes » de la direction accompagnant sans renâcler les stratégies ! Nous entendons jouer notre rôle de syndicat indépendant et que nos avis, opinions, critiques et propositions alternatives puissent être placés au centre d’un dialogue social de qualité. Nous ne lâcherons rien de ce point de vue.

C’est ainsi qu’à notre initiative, nous venons avec d’autres fédérations syndicales, de proposer au Président de la SNCF, des pistes d’amélioration du dialogue social qui doit pour nous demeurer sous la responsabilité et la maîtrise des seuls acteurs principaux que sont la direction, les élus du personnel et les organisations syndicales représentatives.

Voilà exposés, Madame La Sénatrice, Monsieur Le Sénateur, les éléments d’appréciation, de réflexion, d’analyse, liés au conflit social que nous venons de vivre et que nous souhaitions vous transmettre.

Nous nous tenons bien naturellement à votre disposition pour tout échange que vous jugerez utile de solliciter.

Nous vous prions d’agréer, Madame La Sénatrice, Monsieur Le Sénateur, l’expression de nos sentiments respectueux.

Didier LE RESTE

secrétaire général

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