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Les Français, pas plus grévistes que les autres


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Les Français, pas plus grévistes que les autres Par Pauline de Saint Remy [Le point ]

Râleurs, peut-être. Mais grévistes, pas plus que les autres ! Contrairement à une idée reçue, non seulement les Français n'ont pas la grève facile - pas plus que leurs voisins européens en tout cas - mais ils font de moins en moins grève, et cette tendance ne risque pas de s'inverser. Ce constat, c'est Guy Groux, un spécialiste du syndicalisme et chercheur au centre de recherches politiques de Sciences-po, qui le dresse, chiffres à l'appui.

Dans les années 1970, le nombre de journées de grève pour 1.000 salariés en France était de 168 par an, contre 1.041 chez leurs voisins italiens, et 522 au Royaume-Uni. Deux décennies plus tard, entre 1990 et 1999, ce chiffre tombe à 31 journées pour 1.000 travailleurs dans l'Hexagone, à 111 en Italie et à 25 outre-Manche - une chute spectaculaire que Guy Groux explique par la période thatchériste, mais aussi par "les années Blair". La France se situe donc dans une moyenne plutôt basse.

Plus les syndicats sont faibles, plus ils sont visibles

Mais la réputation de supergréviste colle à la peau des Français, la faute à l'héritage idéologique révolutionnaire des syndicats - "même si cette image tend à s'atténuer" commente Guy Groux. En cause aussi, la visibilité des syndicats. Or, paradoxalement, c'est parce que la France est dotée d'un syndicalisme faible sur le plan des effectifs, que ces syndicats sont très visibles. "On constate dans plusieurs pays que plus un syndicalisme est faible et plus il a une tendance à agir pour se montrer", explique Guy Groux. Or les organisations françaises pâtissent d'un double handicap : peu de syndiqués et trop de syndicats. En effet, alors que la France ne possède pas moins de 7 organisations à dimension nationale - là où la plupart des pays européens en ont entre un et trois - on ne comptait en 2003 que 1.830.000 personnes syndiquées en France, contre plus de 7 millions en Allemagne, 6,5 millions en Grande-Bretagne et 5,3 millions en Italie.

Dernière explication à l'image contestataire des Français : l'encadrement du droit de grève, plus souple en France que chez ses voisins européens. Des grèves plus faciles à organiser, donc, et qui ne passent pas inaperçues pour une raison simple : chez nous, la grève touche essentiellement le secteur public et ses entreprises les plus visibles, telles que les transports et les établissements scolaires. "Jusqu'à il y a peu de temps, la SNCF, qui représente 1 % des salariés français, comptabilisait 25 % des jours de grève", note Guy Groux.

Des syndicats responsabilisés

Mais la fréquence des grèves diminue donc, et ce, à mesure que les syndicats gagnent en poids dans les négociations. "Pendant longtemps les régulations du droit du travail étaient exercées par l'État. Autrement dit, c'est le législateur qui était à l'origine du progrès social", explique Guy Groux. "La grève n'était qu'un préalable à la négociation." Or de nouveaux dispositifs juridiques ont transformé la démarche des syndicats, les faisant passer du statut de contestataire à celui de participant à la négociation.

D'abord la loi de janvier 2007 - peu de temps après la crise du CPE - qui offre la possibilité de négocier et de passer des accords, avant de discuter et de voter devant le Parlement. "Une véritable révolution institutionnelle" aux yeux de Guy Groux. "Les syndicats deviennent ainsi des producteurs de règles, de normes. Ce qui rend plus difficile de soutenir des actions à l'encontre du droit", juge-t-il. Ensuite, les trois accords interprofessionnels de 2008 qui ont redéfini les pratiques syndicales et notamment les règles de la représentativité, donnant une légitimité plus forte aux accords collectifs.

Là où certains dénoncent un manque de combativité des syndicats sur la question des retraites, Guy Groux voit, lui, dans ces évolutions le signe d'une "bonne démocratie sociale". Comme pour les décomptes de manifestants (2 millions selon les syndicats le 7 septembre dernier, 800 000 selon la police) tout est une question de point de vue.

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