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Article "Du Monde " :Les chemins de fer français sont-ils réformables ?


Invité Gnafron 1er

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Les chemins de fer français sont-ils réformables ?

| LEMONDE.FR | 16.01.12 |

par Gilles Savary,

coordonnateur européen de la ligne ferroviaire Dresde-Constanza-Le Pirée

La SNCF, les chargeurs, et à leur façon les nouveaux collectifs d'usagers, mais aussi les grandes centrales syndicales de cheminots, les élus locaux et nos partenaires européens s'alarment depuis plusieurs années de l'évolution de notre système ferroviaire, chacun évidemment de son point de vue.

Les Assises du ferroviaires qui ont confronté ces points de vue d'acteurs du 15 septembre au 15 décembre 2011 auront-elles suffi à les agréger en un corps de réformes acceptables pour relancer le rail français et lui ouvrir de nouvelles perspectives de développement ? En tout cas, elles auront eu l'incontestable mérite d'ouvrir le champ des auditions à l'échelle européenne, d'échanger des analyses et d'esquisser des solutions jusque-là trop simplistes et trop cloisonnées pour êtrepartagées et débattues entre toutes les parties prenantes.

En cela, elles constituent à tout le moins une contribution documentée, co-construite, et sans précédent à la réforme d'un des derniers monopoles publics fétiches d'après-guerre, à usage du futur gouvernement quel qu'il soit.

Il en ressort que notre modèle ferroviaire, en porte-à-faux entre le modèle monopolistique de 1936 et une ouverture européenne bâclée, est aujourd'hui en proie à la fois à une gouvernance bancale depuis la séparation de RFF et de la SNCF en 1997, à une incapacité financière à faire face aux trois grands chantiers de régénération du réseau historique, de désaturation de l'Ile-de-France et du programme "Bussereau" de lignes nouvelles grande vitesse , à de nouvelles exigences de ses usagers, à une impréparation notoire à la protection sociale de ses personnels et aux risques d'écrémage de l'ultime étape d'ouverture du trafic voyageurs national annoncée par Bruxelles, et à une incapacité à positionnerl'industrie et les services ferroviaires français au sein d'une Europe du rail de plus en plus dominée par la Deutschbahn et exposée à de nouvelles concurrences.

A ces différents défis, les Assises ferroviaires ont répondu par des propositions de réforme précises et pragmatiques : ouverture expérimentale du trafic voyageurs national sous condition de négociation d'une convention collective de la branche ferroviaire, priorité aux investissements de régénération et de désaturation du réseau classique, "règle d'or" de financement pour les nouveaux investissements, nouvelle étape de régionalisation ferroviaire, réunification des personnels de l'infrastructure, organisation d'une filière industrielle ferroviaire apte à affronter les nouvelles concurrences, etc. Pour autant, la messe n'est pas dite.

Les premières réactions aux Assises trahissent la difficulté à légitimer des diagnostics et des propositions de solutions encore très éloignées des représentations idéologiques dominantes de la base cheminote et d'un grand public imprégnés du paternalisme et de la générosité étatiques d'après guerre. Sauf que l'Etat et la capacité d'endettement public ne sont plus ce qu'ils étaient.

Du coup, le réflexe demeure d'en appeler à la source miraculeuse de financements publics accrus pour un secteur qui n'en est pourtant guère rationné avec un déficit d'exploitation annuel de 1,5 milliard d'euros, 13 milliards de financements publics par an, un endettement de plus de 30 milliards et des performances qui plafonnent quand elles ne se dégradent, à l'exception des TGV à leur apogée commerciale.

Le tout, ça va sans dire, sans augmenter les tarifs, sans accroître la productivité, sans renoncer à un programme LGV de 110 milliards d'euros, mais en désaturant les TER d'Ile-de-France, en régénérant le réseau classique, en généralisant les TER cadencés, et en transférant la dette ferroviaire à l' Etat déjà perclus d'emprunts indésirables pour les prêteurs… Quand on aime, on ne compte pas et les français sont légitimement attachés à leurs trains, les syndicats à leur statut de la loi de 1940, les élus à leurs gares et leurs dessertes TGV, les usagers à leurs sous tarifications par rapport aux coûts.

Certes le déclin du fret a démontré que la concurrence sans réseau et sillons aptes à l'absorber n'était pas la panacée; mais il a tout autant démontré, quatre plans de "redressement" et 10 milliards d'euros de subventions pour 50 milliards de tonnes/km en moins depuis l'an 2000, qu'un puits sans fonds de subventions publiques ne l'était pas plus.

En période préélectorale, il ne fallait pas s'attendre à ce que l'introspection des Assises suscite une adhésion débordante de désintéressement politique, d'autant qu'elle révèle une incurie passée de l'Etat à prendre ses responsabilités. Nathalie Kociusko-Morizet a eu le mérite d'affronter la situation et l'habileté d'en renvoyer le règlement au prochain gouvernement.

Au terme de cet exercice inédit, il y a fort à penser que notre système ferroviaire ne pourra plus longtemps échapper aux révisions que suggèrent les principales conclusions des Assises, mais il a deux façons d'y parvenir :

  • La première consiste à les mettre en œuvre par la volonté politique et la négociation sociale dans le cadre d'un nouveau pacte national de développement du rail, orchestré par le gouvernement afin d'en gérer les évolutions, d'en amortirles transitions, et de dessiner un modèle ferroviaire français à nouveau conquérant, respectueux de son corps social, compatible avec nos engagements et nos votes européens, conciliant compétitivité extérieure et missions de service public et d'aménagement du territoire intérieures. C'est la voie de la réforme.
  • La seconde consiste à laisser s'accomplir une évolution Darwinienne du système actuel, consistant à contourner le statut par un dépérissement naturel de l'EPIC SNCF au profit de filiales et de nouveaux entrants au code du travail et à l'intérim, une réduction "naturelle" de l'emploi, un écrémage interne et externe des lignes rentables aux dépens des déficitaires, des augmentations tarifaires incessantes, et un rationnement du service par les limites des budgets publics. On atteindra très vite les 3 000 kilomètres de réseau ralentis avant d'être sélectivement fermés, une situation tiers-mondiste sur certaines lignes d'Ile-de-France, une restriction du programme TGV par épuisement des collectivités locales à lefinancer, un renoncement subreptice au fret ferroviaire et une stagnation de l'offre TER au profit à peine déguisé du camion et du car. Cette voie est en marche.

Dans tous les cas, notre système ferroviaire se réformera, parce que son équation actuelle, sous contrainte d'un Etat impécunieux et de régions au taquet fiscal, est tout simplement insoutenable.

La seconde voie est simplement plus naturelle à la France, qui ne se réforme jamais plus sûrement et brutalement, que quand elle se dérobe à la réforme.

Entre choix et non choix, se situe désormais le dilemme des responsables du ferroviaire français, de tous, pour remettre nos chemins de fer sur les rails prometteurs du XXIe siècle.

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Les chemins de fer français sont-ils réformables ?

mettre en œuvre par la volonté politique et la négociation sociale dans le cadre d'un nouveau pacte national de développement du rail, orchestré par le gouvernement afin d'en gérer les évolutions, d'en amortirles transitions, et de dessiner un modèle ferroviaire français à nouveau conquérant, respectueux de son corps social, compatible avec nos engagements et nos votes européens, conciliant compétitivité extérieure et missions de service public et d'aménagement du territoire intérieures. C'est la voie de la réforme.

La première consiste à les

laisser s'accomplir une évolution Darwinienne du système actuel, consistant à contourner le statut par un dépérissement naturel de l'EPIC SNCF au profit de filiales et de nouveaux entrants au code du travail et à l'intérim, une réduction "naturelle" de l'emploi, un écrémage interne et externe des lignes rentables aux dépens des déficitaires, des augmentations tarifaires incessantes, et un rationnement du service par les limites des budgets publics. On atteindra très vite les 3 000 kilomètres de réseau ralentis avant d'être sélectivement fermés, une situation tiers-mondiste sur certaines lignes d'Ile-de-France, une restriction du programme TGV par épuisement des collectivités locales à le financer, un renoncement subreptice au fret ferroviaire et une stagnation de l'offre TER au profit à peine déguisé du camion et du car. Cette voie est en marche.

La seconde consiste à

Dans tous les cas, notre système ferroviaire se réformera, parce que son équation actuelle, sous contrainte d'un Etat impécunieux et de régions au taquet fiscal, est tout simplement insoutenable.

La seconde voie est simplement plus naturelle à la France, qui ne se réforme jamais plus sûrement et brutalement, que quand elle se dérobe à la réforme.

Entre choix et non choix, se situe désormais le dilemme des responsables du ferroviaire français, de tous, pour remettre nos chemins de fer sur les rails prometteurs du XXIe siècle.

et nous sommes depuis plusieurs décennies dans la seconde hypothèse,mais dans la 1ere hypothèse que mettons derrière "modèle ferroviaire à nouveau conquérant?",les mots aussi vagues sont toujours interprétés (mis en œuvre)de manière parfois opposés

Modifié par jackv
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