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Le Web des Cheminots

Neige 1990


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Publication: (modifié)

Décembre 1990.

Une neige épaisse est tombée sur la Bourgogne, et plus encore vers Bourg en Bresse, où le 5111 de la nuit du dimanche au lundi est resté bloqué en gare : les voies sont impraticables !

Ce lundi matin, je suis commandé en roulement sur une bonne petite tournée dans la Bresse :

- 57335 Dijon - Seurre

- 57342 Seurre - Dijon

- Coupure + 57349 Dijon - Bourg en Bresse + RHR

Mardi matin, retour programmé comme suit :

- 58401 Bourg en Bresse - Ambérieu

- 57336 Ambérieu - Dijon

Mais, cette fois-ci, ça va se passer un peu différemment...

Départ du 57335 à l’heure, le paysage enneigé est superbe, et la neige tombe bien !

neige05e.jpg

Puis, le carré de protection C de Pagny est fermé : au téléphone, j’apprends qu’un arbre est tombé sur les caténaires, et les équipes sont en train de déblayer :

neige08.jpg

Déjà, la voie 2 commence à être cachée sous la neige...

Tête à queue à Seurre, et départ dans la foulée : on est passablement à la bourre !

Sur les quais, les voyageurs transis sont heureux de venir se mettre au chaud dans ma Z 7100, bien chauffée !

A l’arrivée à Dijon, ma Z commence à ressembler à un iceberg :

neige10.jpg

Pendant ma coupure, j’apprends que ce soir, ça risque d’être sportif : le 5111 est resté bloqué à Bourg en Bresse, et les circulations ont été rares...

Départ du 57349 à peu près à l’heure.

Jusqu’à Louhans, ça roule pas si mal que ça, mais ça va se gâter :

Le chef de service m’avise qu’une 8100 HLP a demandé le secours devant moi, vers Frontenaud, et le Y 8000 de Louhans est parti lui porter le secours par l’arrière. Le PC préfère attendre que les deux engins aient dégagé St Amour avant de prendre une décision.

Les minutes passent...

Enfin, le régul appelle : « ça y est, ils sont arrivés à St Amour, mais c’est le cirque : des ratés d’ouverture à presque tous les PN ; à cause de la neige »

S’ensuit une négociation avec le PC, qui hésite à m’envoyer jusqu’à Bourg en Bresse : entre St Amour et Bourg en Bresse, rien n’a circulé depuis la nuit de dimanche à lundi !

Mes arguments le touchent : « j’ai pas mal de voyageurs qui tentent de descendre à Bourg, et ce depuis dimanche »

Sa réponse tombe : « OK, tu y vas, mais à tes risques et périls ! Si tu demandes le secours, tu seras bien dans la M***** ! » (J’aurais plutôt dit : dans la neige, mais bon...)

Le chef de service de Louhans me donne une tripotée d’ordres de marche prudente, à cause des ratés d’ouvertures de PN : un bon paquet de Louhans à St Amour, et quasiment tous au-delà !

Et nous voilà partis !

Le retard est déjà plus qu’honnête ! Sur les quais déserts, plus personne n’attend le 57349...

Arrivée à St Amour : je distingue la 8100 et le Y 8000 derrière sur la voie centrale, bien enneigés !

Le chef de service de St Amour me donne le départ en me souhaitant bonne chance !

Je savais que, que côté motrice, les chasse-neige étaient efficaces (type Suisse) et que le panto était dans la configuration la plus solide (jambe vers l’arrière) ; et puis que la motrice, bien lestée, risquait moins de « lever » que côté ZRX.

Nous voilà partis...

La neige a cessé de tomber, et c’est tant mieux, parce que les PK sont invisibles, cachés sous la neige. Fort heureusement, il n’y a pas de brouillard, et les PN, qui fonctionnent tous, sont plutôt bien visibles avec les feux rouges clignotants pour les routes.

Par moment, la couche de neige sur la voie est telle, vers Le Moulin des Ponts, que ça refoule jusqu’au dessus des phares de la Z !

Les voyageurs se sont regroupés dans la Z, et comme j’ai laissé la porte de la cabine ouverte, les commentaires des voyageurs qui voient le spectacle vont bon train : « Mais, comment vous faites ? On ne voit plus rien ! » Je leur réponds qu’en principe, les rails sont pourtant là, sous la neige épaisse...

Nous arrivons à Bourg en Bresse avec un retard considérable ; mais, nous y sommes ! Et sans casse, qui plus est... Nous sommes reçus voie 1, au cul du 5111 (qui est là depuis presque 24h00), avec juste assez de place à quai pour y caser ma Z de 4 caisses.

S’ensuit une sévère prise de bec avec le chef de service, parce que je veux garder ma Z sous tension, chauffage en route et en maintien de service : « Tu le fais sous ta responsabilité ! »

Je fonce à l’unique troquet encore ouvert en face de la gare, pour y manger un vague truc chaud, genre croque-monsieur... Puis je fonce dormir à l’hôtel : la PS est prévue vers les 5h00 demain matin (il va manquer un peu d’heures de repos ; mais j’estime qu’à circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles, afin d’assurer le service).

Le lendemain matin, l’intégralité des engins présents en gare sont gelés... (Etonnant !)

Sauf ma Z du 57349 de la veille, parfaitement opérationnelle...

Le chef de service est débordé, rien ne roule, et les voyageurs mécontents grognent dans la gare bien remplie !

J’appelle le PC de Chambéry, sidéré de savoir que je suis là !

Sans surprise, j’apprends que mon 58401, et sans doute mon 57336 sont supprimés.

Avec un collègue de Vaise, nous nous attelons à une vaste tâche de dégel des engins.

Lui s’occupe des RGP et X 2800, à moi les électriques !

neige02.jpg

Avec une équipe de la gare, nous prenons des consignations C, afin de pouvoir monter sur les toits des engins, et dégeler les pantos.

Il y a de quoi faire, entre la 7200 du 5111 et les autres Z 7100 présentes...

La matinée y passe, mais pratiquement tout est sous tension ! Le responsable caténaire me félicite de mon idée d’avoir laissé ma Z sous tension la veille au soir : « si tout le monde avait fait pareil, ça aurait contribué à dégeler doucement les caténaires, en pompant un peu dessus... »

neige07.jpg

neige06.jpg

Derrière le 5111 voie 1, ma Z du 57349 de la veille...

Revenu au bureau du chef de service, je vois revenir les brigades voies, l’air piteux, avec leurs tronçonneuses : « on n’a plus d’essence pour bosser ! »

Impuissant, le Picasso des Amis de la ligne d’Oyonnax assiste au désastre !

neige01t.jpg

Il est presque 14h00 passés, je rappelle le PC de Chambéry pour savoir ce que je fais : il est encore plus sidéré que son collègue de matinée de me savoir là !!!!!

Et là, j’apprends que, par arrêté préfectoral, la circulation des trains est suspendue dans le secteur, jusqu’à nouvel avis ! (Cerise sur le gâteau, mon appareil photo déclare forfait !)

Il me propose de me rapatrier à Dijon, mais comment ? Coup de chance, un bus affrété par la SNCF rentre à vide à la gare de Mâcon. On y va...

Je suis dégoûté : la route est parfaitement dégagée, sous un grand soleil et du ciel bleu à volonté, alors que la ligne Mâcon - Bourg, qu’on longe à vue, n’a pas vu de trains depuis plus de 48h00 !

Je me présente au chef de service de Mâcon, pour savoir ce qui monte sur Dijon : « Mon pauvre ami, y a rien qui roule, ou presque ! »

Je rappelle le PC de Dijon (Mâcon est la limite sud de la région de Dijon), et sollicite des instructions. Lui aussi est totalement abasourdi, lorsque je lui raconte mon épopée.

Il n’y a rien qui roule...

Par contre, la CC 7122 (première CC 7100 équipée du KVB !), attelée à une BB 7200 sont là, sur le grill, que le PC me propose de rapatrier HLP à Perrigny, faute de mieux...

Problème : la couche de neige (neige mouillée, très lourde !) sur les toitures risque sûrement d’empêcher le panto de monter...

Et me voilà reparti à demander une consignation C en gare, et que je te gratte...

Enfin, la 7122 est sous tension, les essais sont OK, la 7200 mise CV, un petit essai de frein, un coup de vert, et c’est parti : XMI vers Perrigny !

Seulement voilà...

Alors que j’arrive à vue de Senozan, BAOUM derrière !

Sondages, et re-disjonction, violente, au cran 1... Houlà, pas bon ça !

Je m’arrête en face du BV de Senozan, et explique au chef de service ce que je veux faire : rentrer sur le garage pair à revers, afin de faire mon dépannage.

Le temps que je remettre la 7200 sous tension, le chef de service applique sa procédure, et je rentre dans l’évitement pair, au dégagement du carré de sortie.

Application du GD sur la CC 7100 : là, il faut manipuler les lourdes portes des compartiments d’appareillages, pas souvent manipulées !

D’abord, les HRAP, c’est OK...

Puis les 6 moteurs isolés, le rhéostat est OK (un grand ouf !)

Test des moteurs 1-2 ; 3 ; 4 ; 5-6.

Le groupe moteurs 1-2 est HS.

Je peux repartir sur les moteurs 3 ; 4 ; 5-6, application de la page 400 quelque chose : puissance réduite, 2/3 maxi des limites maximales MA 100.

HLP avec une 7200 CV, ça devrait le faire...

Je repars enfin de Senozan, il n’est pas loin de 17h00, la nuit commence à tomber.

La fatigue aussi !

Peu avant Chalon sur Saône, le régul me rappelle : « on pensait te faire prendre une autre machine gelée, mais vu ta journée, tu files tout droit au dépôt de Perrigny »

Comme c’est gentil !

Ma fin de service à Dijon ville eut lieu, pas loin des 20h00, alors que j’avais pris à pas loin de 5h00 le matin.

Peut-être dois-je ce genre d’abnégation à mes années de service dans la Royale, où j’ai appris que « l’équipage qui n’obéit pas au capitaine obéit à la tempête » ?

Épilogues :

Quelques semaines après, un RHR m’amène en Avignon.

Je demande des nouvelles de la CC 7122.

Les dépanneurs me disent que cela faisait bien des années qu’ils n’avaient pas vu une CC 7100 rentrer au dépôt avec un groupe moteur sur isolé !

Le moteur 2 avait eu un coup de feu (problème de gel ?) et avait été changé.

Commentaires des dépanneurs du dépôt : « par ici, un tel dépannage, plus personne ne le fait, et c’est systématiquement une demande de secours, avec la mention au carnet de bord : portes d’appareillages impossibles à manœuvrer ! »

Bon Dieu ! Qu’est-ce que je les aimais, ces CC 7100...

Et les Z 7100 aussi !

Quelques mois après, un RHR Chambéry me fait me retrouver à la cantine, à la même table que le CTRA qui était d’astreinte Beilhack au dépôt de Chambéry, lors de cet épisode...

Il entendait les nouvelles à la radio, annonçant des trains bloqués par la neige, cette neige mouillée si lourde qu’elle provoqua l’effondrement de plusieurs hangars agricoles dans le secteur, et se rongeait les sangs à attendre une décision du PC de Chambéry à sortir le chasse neige...

Mais rien ! Personne ne voulait se mouiller, ni prendre une décision !

De rage, le dimanche, il fonce au dépôt, lance le Beilhack, fait tous les essais, et essaie d’arracher la décision du PC de sortir... sans succès !

Pendant ce temps, une journaliste relatait, heure par heure, comment des « naufragés » dans un TGV Savoie - Paris, était plantés au ras de la sous-station de Polliat, attendant un hypothétique secours.

Belle publicité pour la SNCF...

Ambérieu n’était pourtant pas loin !

Épilogue 2 :

Dans l’année qui a suivi, une vague de travaux impressionnants de débroussaillage des abords des voies fut réalisé...

Faut dire que les JO d’Albertville 1992 allaient avoir lieu l’hiver suivant... et le sans-faute était obligatoire !

Modifié par TRAM21
  • J'adore 8
Publication:

Tram, Tram faudrait pas prendre les enfants du bon dieu pour des canards sauvages...

Meme si tu nous consideres comme des branleurs, les portes des compartiments moteurs on les ouvrait tous les jours pour isoler les moteurs quand on trimballait ces locs en véhicule...

  • J'adore 1
Publication: (modifié)

je ne fais que répéter ce que les dépanneurs du dépôt d'Avignon m'ont dit...

je sais bien que la mise CV des CC 7100 imposait l'isolement des moteurs, et donc la manœuvre des portes.

toutefois, dans le type de dépannage où j'étais, les manipulations étaient très nombreuses : après avoir testé chaque partie HT, il fallait rouvrir, refermer, rouvrir, refermer...

malgré le froid, j'étais en nage !

Modifié par TRAM21
Publication:

Salut,

Encore une histoire qui ne se reproduira probablement plus de nos jours. C'était une autre époque.

Christophe

Publication:

Beau récit qui m'en rappelle un autre ............................. disparu.

  • J'adore 1
Publication:

suite à cet épisode neigeux, peu glorieux pour la SNCF, un tract syndical bien tourné avait été affiché, qui fustigeait, non sans humour, l'inaction totale de la Direction...

si je remets la main dessus, je le scanne et je le mettrai à la suite !

  • J'adore 1
Publication:

Me rappel de cet épisode neigeux, je n'étais pas cheminot à cette époque mais soldat, et je suis resté coincé à bourg deux jour pour rentrer en perme dans mes hautes montagnes!!! j'ai du te croiser sur le quai ce jour là, il n'y avait pas foule dehors!!!! et moi en bon montagnard je ne comprenais pas pourquoi ça ne roulait pas par si peu de neige! J'aurais bien apporté mon aide, mais ne connaissant pas trop le milieu à l'époque, j'ai pas osé!!!

belle histoire.

Publication:

suite à cet épisode neigeux, peu glorieux pour la SNCF, un tract syndical bien tourné avait été affiché, qui fustigeait, non sans humour, l'inaction totale de la Direction...

si je remets la main dessus, je le scanne et je le mettrai à la suite !

Ne te force pas et ne cherche pas trop : la tendance n'est pas trop à montrer du doigt les uns les autres en ce moment ^^

Publication:

Ne te force pas et ne cherche pas trop : la tendance n'est pas trop à montrer du doigt les uns les autres en ce moment ^^

hum...

ça fait partie de l'histoire !

pas uniquement mon histoire, mais celle du chemin de fer...

Publication:

m'en souviens

vénissieux dépôt

PS vers les 5h du mat

pas de neige sur perrache, 3/4 cms au dépôt

sortie de la loc

mise en tête au faisceau de VSX (2 kms du dépôt)

je descends de la loc en tenant compte de l'épaisseur de neige rencontrée au dépôt

et le me retrouve enneigé ..... jusqu'au mollet !!

le train ne partira jamais : 50 cms à SQF (15 kms) et 80 à 1m à SAG (50kms)

pas de photos

désolé

  • 2 semaines plus tard...
Publication:

Sacrée histoire!!

Depuis on a embauché des saisonniers... :Smiley_04:

  • J'adore 7
Invité radiosoltrains
Publication:

Sacrée histoire!!

Depuis on a embauché des saisonniers... :Smiley_04:

saisonnier.jpg

Il ne passera pas la saison d'été lui :unsure:

Belle histoire, j'aime les histoires, les anecdotes comme celle la. Merci Tram 21!

Publication:

Excellent :Smiley_04: !!!

Et historique :happy: ... entre autre la photo de la RGP qui n'est pas encore passée aux ateliers de Bordeaux pour sa rénov' :tongue: .

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