Aller au contenu
Le Web des Cheminots

SNCF : la dette renvoyée à l'expéditeur


Invité

Messages recommandés

analyse pertinente de Bernard Aubin, le hérisson du rail (ex-cftc, First?)

L’objectif affiché de la réforme de la SNCF de 1997 était de soulager l’entreprise publique d’une dette ferroviaire qui en grande partie n’était pas la sienne. C’est en effet sur son endettement que la SNCF a entièrement financé les premières lignes TGV, une mission qui relevait pourtant de la responsabilité exclusive de l’Etat. C’est la même entreprise publique qui subissait les contrecoups de la politique de plusieurs Gouvernements successifs en faveur de la route. Normal, donc, que l’Etat prenne en charge les conséquences de ses décisions et de ses manquements.

Alors que la directive européenne 91-440 faisait obligation aux Etats d’assainir la situation financière de leurs opérateurs historiques avant l’ouverture des réseaux à la concurrence, la France tenta finalement de s’en sortir par une pirouette qui, loin de régler le problème de la dette du système ferroviaire, ajouta au problème financier celui de la désorganisation structurelle. Plus de quinze années après la création de RFF, la « séparation de la roue du rail » a démontré ses limites au point que même ses initiateurs réclament le retour à un certain degré d’intégration.

La réforme de 1997 n’a rien réglé. Tout simplement parce que l’un de ses principe de base n’a jamais été respecté. Le « pacte de modernisation », son document fondateur, prévoyait en effet que : « Le péage devra être fixé à un niveau correspondant à un juste équilibre entre le coût global de l’infrastructure et la capacité contributive de la SNCF dans sa fonction de transporteur. Une chose est d’ores et déjà certaine : contrairement à certaines informations parues dans la presse, l’État ne reprendra évidemment pas à la SNCF d’une main, sous forme de péage d’infrastructure, ce qu’il lui donne de l’autre en faisant prendre en charge sa dette d’infrastructure par le nouvel établissement public que je viens d’évoquer » (discours de Bernard Pons faisant partie intégrante du « pacte de modernisation »).

L’Etat n’a jamais tenu sa promesse. RFF a donc été contraint de faire exploser le prix des sillons pour tenter d’équilibrer ses comptes. Une fuite en avant qui n’a fait qu’aggraver les problèmes. C’est donc avec une certaine anxiété que les observateurs, cheminots au premier rang, prendront connaissance des propositions de Gouvernance version SNCF. Ils pourraient de prime abord se rassurer du retour à un certain degré d’intégration de l’Infra. Mais l'éclatement de l'Entreprise au sein d’une holding et la perspective de reprise d'une partie de la dette de RFF, eux aussi au programme, n'invitent guère aux réjouissances. Rappelons que :

1) La dette « infra » est une dette d’Etat. Il n’appartient pas à un opérateur ferroviaire, fut-il « historique » et le plus important de tous, de la prendre en charge. D’autant plus que les concurrents de la SNCF ne se soumettront sans doute pas à un effort équivalent. A souligner un paradoxe, c'est que dans le même temps la SNCF réclame une harmonisation sociale qui pourrait s'avérer dangereuse pour ses cheminots, justement pour se prémunir d'une concurrence faussée.

2) La prise en charge de la dette infra par la SNCF exigerait de sa part de nouveaux efforts de productivité, et donc de nouveaux sacrifices de la part des agents qui attendent toujours le retrour sur investissement promis en 97 : les cheminots devaient bénéficier des « surcroits de richesses » dégagés par leur efforts. Ils n’ont rien vu venir, si ce n’est aujourd’hui, la perspective de remise en cause de leur Statut.

3) Le terme même de «pacte » national pour le rail, employé par un dirigeant, est pour le moins maladroit tant il rappel le « pacte de modernisation » de 1997 qui s’est soldé par un cinglant échec reconnu par tous.

4) La perspective de répartir la charge de la dette en trois parts inégales : usagers, SNCF et Etat permet une nouvelle fois à ce dernier d’échapper à ses responsabililités. L’Allemagne, tant citée comme référence tant en termes de gouvernance du système ferroviaire que de capacité à accueillir la concurrence ferroviaire avait procédé, elle, au désendettement de son opérateur historique, la DB.

5) Les dindons de la farce seront les usagers et les cheminots de la SNCF. Les premiers verront les prix du train exploser, les seconds seront astreints à de nouveaux efforts récompensés cette fois par la perte d'une partie de leur réglementation du travail...

Le bricolage de 1997 a finit par démontrer ses limites quinze ans après. Faudra-t-il attendre quinze ans de plus pour que l’Etat prenne enfin ses responsabilités ? D’ici là, il sera peut-être trop tard pour la SNCF. Et pour ses cheminots.

Modifié par 2D2
Lien vers le commentaire

Créer un compte ou se connecter pour commenter

Vous devez être membre afin de pouvoir déposer un commentaire

Créer un compte

Créez un compte sur notre communauté. C’est facile !

Créer un nouveau compte

Se connecter

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous ici.

Connectez-vous maintenant
×
×
  • Créer...

Information importante

Nous avons placé des cookies sur votre appareil pour aider à améliorer ce site. Vous pouvez choisir d’ajuster vos paramètres de cookie, sinon nous supposerons que vous êtes d’accord pour continuer.