C’est un message populaire. likorn Publication: 12 mai 2014 C’est un message populaire. Publication: 12 mai 2014 (modifié) Si si, il fut un temps pas si lointain où, à Genève, nous roulions une BB25500 en tête d'une RIO. Pourtant, point d'ETCS, point d'Euro compatibilité, on se démerdait avec ce que l'on avait. Aussi, pour nous, c'était la découverte de véhicule aux caractéristiques absolument étrange: on nous parlait de BP-URG, de cran de shuntage et autre Grand Débit. De notre côté c'était le règne du "boc en bas", des graduateurs commandés par électronique et de l'à-coups haute-pression (avec une Conduite Générale qui montait à 7,5bar). Un monde, un univers totalement différent. Bien sur nous roulions depuis quelques années en connaissant le KVB, mais en dehors de ça aucun instrument français ne nous était connu. Lors de mes premières descentes sur La Plaine, on m'a raconté - en rigolant - que le ralentissement 30 et le rappel 30 furent systématiquement franchis et exécutés à 40 Km/h pendant plusieurs décennies, avant que les Bem 550 - équipé KVB - ne vinrent mettre un peu d'ordre dans la conduite locale; le mécano aux commandes se pressait alors d'ajouter "mais tu sais, les aiguilles et le block sont suisses, donc prévus pour le 40, c'est juste que nos amis frouzes sont bien lent". Pour simplifier la signalisation, seuls des carrés étaient implantés sur le tronçon, de manière à ce que les panneaux soient infranchissables même lors de simple protection contre le rattrapage. Il fallait limiter au maximum les différences avec la signalisation suisse, laquelle interdit tout franchissement de signal à l'arrêt sans ordre. Mais, bien que l'on parle de simplification, les manœuvres se déroulaient selon les règles suisses. Aussi j'ai un très drôle souvenir du chef de gare de Vernier-Cargo, s'arrachant les cheveux lorsqu'un mécanicien TGV SNCF - en pleine manœuvre - lui demandait un bulletin pour franchir un carré fermé pour une manœuvre alors que justement les règles helvétiques prévoient que les panneaux restent fermés en de tels cas, ou encore cette incompréhension totale du pauvre mécano fret qui était parti vaillamment à l'assaut de son carré fermé - sur ordre de manœuvre - sans presser BP-MV et s'était retrouvé piteusement planté et bien sur paniqué, croyant avoir commis l'irréparable, croyant avoir attaché à sa patte la casserole qui le poursuivrait toute sa carrière. La ligne, équipée en Block Manuel Unifié, réservait régulièrement son lot de problèmes. Pas que le système ne soit pas fiable ou peu sûr, non; simplement que les block étaient longs, qu'il n'y avait qu'un câble pour la libération et qu'une annonce d'arrivée simultanée par deux postes adjacents créait toujours un dérangement, que les retards en provenance de la France étaient fréquent et source de conflits sur la voie simple de Châtelaine, et que là au milieu devait encore se faufiler le trafic marchandise montant à Vernier-Cargo. Un air de far-west pour nous qui étions habitué à des gares télécommandés et des voies banalisées. Et puis il y avait le KVB, ce fameux engin du diable. Chez nous, c'était le règne du ZUB, un compagnon de route discret que tu n'entendais en général jamais, sauf dans deux cas : en cas d'enrayage puis de reprise d'adhérence (synonyme d'augmentation de vitesse sur le tachymètre, ce qui déclenchait toujours le 1er niveau d'alerte), où lorsque tu oubliais de le libérer en approchant un signal ayant commuté. En dehors de ça, si par hasard il se manifestait, c'est que réellement seul le freinage d'urgence pouvait t'amener à respecter l'ordre donné par la signalisation. Avec le KVB il fallait voir les choses différemment ,le KVB avait ses humeurs, il aimait voir ta crainte dans ses réactions, il aimait sentir un freinage continu, lent, régulier; il ne supportait pas l'absence de réaction immédiate alors que nous, nous avions comme seule règle de nous arrêter avant le rouge. Le saut technique était important, il fallut créer une catégorie spéciale rien que pour ces trains. Pensez-donc, des véhicules qui roulaient en catégorie voyageur mais atteignaient à peine un rapport de freinage de 70% selon nos normes alors que la plus basse possible était de 95% (sans quoi on chutait en catégorie marchandise). Dès lors, on créa un truc hybride, le R70, qui faisait se dresser les cheveux de n'importe quel inspecteur de l'Office Fédéral des Transports. On apprit à rouler un véhicule doté d'un frein électrique qu'il ne fallait pas utiliser de peur de le bloquer, alors qu'il y avait belle lurette que le frein à récupération freinait à lui seul tous nos véhicules moteurs. Enfin, il ne fallait pas oublier la maintenance assurée par la SNCF. Au début elle cru pouvoir s'occuper des ses véhicules de la même manière que si un agent SNCF était au commande; il lui fallut vite déchanter! L'usure des freins, avec un mécano CFF en tête, fut trois fois plus importantes que prévus initialement. Aussi, l'entretien dépêcha un agent traction qui vint voir comment nous roulions: je me souviens encore de la crispation de ses muscles lors de nos entrées, le pauvre. Et il y aurait encore tant à dire... Le chef de gare de Vernier qui parti en voiture amener un bulletin à un train arrêté à Satigny (gare en transit automatique par compteur d'essieu sur un tronçon indiqué aux RT comme étant en block manuel) suite à un dérangement de block, car la radio Sol-Train passait trop mal pour le lui dicter; ou encore ce fameux jours où une radio dérangée envoyait des signaux d'alertes radio à tout bout-de-champ et que - fidèle à leur formation première - seuls les mécanos CFF continuaient de rouler en marche à vue malgré ladite alarme, au grand effroi des mécanos SNCF présents dans le coin; ou encore ce grand moment de solitude d'un agent qui - en VUT - mis 5 minutes dans le noir à trouver l'interrupteur de quittance de la RSO et resta planté dans l'intervalle, sachant que chez nous ledit interrupteur s'allume lorsqu'il faut l’acquitter. Ah cette ligne mixte Genève-La Plaine-(Bellegarde). Elle fut parfois notre cauchemar, mais elle avait son charme, indéniablement. Ne serait-ce que parce que La Plaine vendait glace, café et autres boisons à des prix défiants toutes concurrences... Cet été, elle passera en BAL, respectivement sera télécommandé par le Centre d'Exploitation de Lausanne au travers d'Iltis. (A 17:30, il y a une approche de signal fermé façon CFF, la grande peur des inspecteurs tractions SNCF...A 23:30, il y a démarrage sur Ralentissement 30 fermé) Modifié 12 mai 2014 par likorn 22
Rail cassé Publication: 12 mai 2014 Publication: 12 mai 2014 Encore une histoire!!! racontes nous encore une histoire. 1
Invité Fabr Publication: 12 mai 2014 Publication: 12 mai 2014 La sequence R30 RR30 vaut son pesant de tournées..... Fabrice
C’est un message populaire. likorn Publication: 14 mai 2014 Auteur C’est un message populaire. Publication: 14 mai 2014 (modifié) -Bonjour bonjour, j'prendrais un café s'il-vous-plait, avec le rabais FVP pour le personnel volontiers. -Bien sûr monsieur, voici. -Merci. "Ahl e petit café de fin d'après-midi. J'ai beau ne pas courir après le goût du breuvage, il faut reconnaître qu'il fait son effet; le monde parait plus beau, les gens plus souriants. En même temps, j'ai entendu il y a peu que le café avait un effet préventif contre la dépression, cela doit venir de là... "Telles étaient mes pensées, ce jours-là, alors que je me dirigeais tranquillement vers la voie 5 de Genève pour relever la Bem en provenance de Bellegarde afin de repartir dans cette même ville. Sirotant tranquillement mon noir breuvage, je m'approchais nonchalamment en profitant du soleil couchant et constatait que l’œilleton du signal nain, à son dos, restait éteint. Signe que l'itinéraire n'était pas encore tracé et que donc mon train arriverait pas tout de suite. Ré-ajustant mes oreillettes, je quittais Led Zep pour Danko Jones, pensant déjà qu'un peu d'Iron Maiden serait plus que divin en compagnie de mon kawa. Sur le panneau d'affichage, la mention " environ 5 minutes plus tard" apparu. Surement, comme souvent, un TGV qui avait pris tout son temps pour sortir de Châtelaine. Quelques éternités - pour les passagers - plus tard, voila mon fringant "train". Bon, la Bem n'a pas grand chose d'un véhicule de légende, cela ressemble plus à un cube sur essieux motorisés, et c'était d'ailleurs le but affiché du constructeur: un machin s'appelant véhicule automoteur peu cher et relativement nerveux. Bref, le voila, et aux commande A, un copain de volée, grande gueule comme tous les genevois. -Dis mon gars, de l'autre côté j'ai perdu la traction, j'ai pas été voir pourquoi vu que c'est arrivé dans le tunnel. -Bin merci, c'est sympa de penser aux autres. Arrivé en cabine, en effet, le triangle rouge des dérangements à la chaîne de traction est allumé, étincelant même. Dans mon dos, le disjoncteur de l'onduleur tire la langue vers le bas. Tentative de ré-enclenchement, rebelote. Bon, le soucis c'est qu'avec cette panne, il y a un blocage traction si le véhicule de tête est le véhicule en panne, ce qui est le cas: réfléchissons. -Met donc la motrice en voiture de commande! Ce sera le plus simple. Et je te ferais le frein au sol; me lance le collègue par la fenêtre. Aussi tôt dis, aussi tôt fait! Une brillante idée je dois l'avouer. On garde l'asservissement, le véhicule reste ouvert aux passagers avec chauffage et éclairage, seulement on doit utiliser le frein automatique au lieu du frein electro-pneumatique et rouler à 50km/h au maximum. Au vu de l'horaire, on arrivera avec 15 minutes de retard, c'est toujours mieux que d'attendre 60 minutes le prochain train. On serre, on desserre. -Frein bon! Appel au poste "96XX à la 5, prêt pour Bellegarde"; le signal commute et présente fièrement l'image 2, on dégage! Essai d’efficacité du frein en ordre, on lâche la pédale pour contrôler le dispositif de sécurité: notre VACMA. Et... Tiens, ça ne sonne pas, et ça ne plante pas non plus? Merdouille, là ça ne sens pas bon. Bon ne paniquons pas, la mise en voiture de commande, elle implique quoi de particulier sur ce véhicule? On doit faire l'essai de frein au sol, on doit rouler à 50km/h, on doit utiliser le frein automatique et ... Ah non! Je sors rapidement mon règlement Bem 550, ouvre la page intitulée "Mise en voiture de commande", et remarque immédiatement la phrase - en gras - suivante : Autorisé seulement pour ramener un train défectueux sur Genève. En dessous, apparaît la mention selon laquelle la RSO ainsi que le dispositif de sécurité sont hors-service. Après avoir maudit les concepteurs de ces véhicules - sachant que sur toutes nos autres machines la mise en voiture pilote ne cause rien de plus qu'une absence de traction ou de freinage électrique, j'appelle Vernier et lui explique le cas. Le chef me semble démerde, de ceux qui ont encore foi dans ce qu'ils font. Il me propose de poursuivre jusqu'à La Plaine et de couper ma rame de tête là-bas, après une petite manœuvre. L'idée me sied, de toutes façons il est hors de question que je franchisse la frontière, du côté Suisse on va me dire que je ferais mieux la prochaine fois, mais du côté Français - si on apprend ce qui se passe - on va me pendre haut et court. Profitant de marche très détendue, j'arrive à La Plaine sur la voie 1 avec un retard de 5 minutes, ce qui confirme que mon calcul initial aurait été bon. Je n'aurais pas eut beaucoup plus de 15 minutes à Bellegarde. -Bon, alors tu coupes la tête sur la 14, et après tu changes de bout et refoule pour te remettre en tête, me dit le chef de gare. Vu qu'il fait froid, je transfère les passagers de la rame avant dans la rame de queue et les y laisse pour la manœuvre, ce n'est pas extraordinairement réglementaire, mais ce n 'est pas dramatique non plus. J'avance de quelques mètres, après le signal de barrage, et coupe. Ahaha! On ne va pas prendre 10 minutes! J’exulte carrément en annonçant ma prouesse au chef en remontant ma rame lors du changement de bout. -Non mais la 14 c'est le tiroir, là tu as coupé sur la 13! Et dans 50 minutes y a le 96XX qui passe et j'en ai besoin. Euh... Oui alors bon, forcément, là on ne va pas avoir que dix minutes. Dans l'ordre: il me faut reprendre la cabine côté Geneve, avancer de 30 centimètres, changer de cabine pour le côté Bellegarde pour pouvoir raccrocher l'attelage automatique, rechanger pour prendre la cabine côté Bellegarde de la rame de tête (celle qui est hors-service, vous suivez non?), demandez l'assentiment de manœuvre et avancer de 150 mètres pour franchir une aiguille et rentrer sur le tiroir 14.Là enfin, je pourrais re-couper, et rechanger pour revenir sur la voie 1 pour re-re-changer de bout pour repartir avec la rame de queue, celle qui fonctionne. C'est pourtant simple! Bon, hop, couper, on s'y colle, et nous voila sur la 14, rame séparée: "parcours bon de la 14 à la 1", me dit le chef, un peu de traction et ... ho non! Après 3 centimètres, la rame se bloque, la lampe de patinage s'allume et la traction chute vers le 0 avec un allumage du triangle rouge des dérangements traction. L'attelage, bien que déverrouillé, est resté coincé. On repart en marche arrière: CLONK, et on re-tractionne en avant. Ça fait beaucoup de "re" au final, et cela ne résout pas le problème. Je ressors de ma cabine avec une assez grande envie d'envoyer valser tout le monde, y compris le passager qui me demande "s'il faudrait pousser" en rigolant. Parce que là, moi, voyant que le pignon de l'attelage est bloqué dans le loquet de verrouillage de l'autre rame, je n'ai pas trop envie de rigoler. Globalement, on ne peut pas faire pire comme situation, car l'attelage est mécaniquement et pneumatiquement dételé, aucun soucis, c'est juste que la voie est en léger dévers et que du coups le pignon ne passera pas le loquet, sans parler du fait que je ne peux pas raccrocher une nouvelle vois, c'est coincé aussi dans ce sens. Et mes passagers sont là, dans la rame, si je n'arrive pas à me débrouiller je suis bon pour demander le train de la défense d'entreprise pour organiser une évacuation, un truc qui ne me tente pas, mais alors pas du tout. -Euh... Mécano à La Plaine, le mécano de la navette (ndlr: les navettes Genève-La Plaine), il pourrait venir me donner un coups de main? Cinq minutes plus tard, me voila en train de m'arc-bouter comme un idiot pour tenter d'aligner les attelages pendant que le collègue tente des "en avant, en arrière"; après quelques essais, cela raccroche! On avance de deux mètres, on décroche pour la troisième fois, et ... miracle! Cela marche! -Okay, je te tire sur la 1, tu reprendras là bas, monte en cabine arrière. Dans le compartiment, je lâche un "bon, on va finir par y arriver", suivi d'un grand silence de la part de mes passagers. Installé en cabine, je regarde mes mains noires et écorchées en me disant qu'être un demi chat noir n'est pas forcément toujours amusant. Sur la 1, celui part qui le miracle est arrivé me ramène la clef d'asservissement, rigole, puis m'indique que le chef de gare me demande. -Oui bon y a un TGV qui va passer, ensuite on attend la libération et dans 10 minutes tu y vas. Çà te fera 40 minutes, c'est toujours mieux que 60. Sourire forcé, puis attente. Puis... "La Plaine appelle 96XX". -Euh...non je ne suis pas là, je n'entends rien. -Déconne pas, le TGV a perdu sa traction, bon il l'a retrouvé sans trop chercher hein, mais il est reparti en respectant l'arrêt accidentel donc bon on attend encore! Là j'en ai marre, sincèrement. Je me suis trompé au départ, certes, mais je ne fût pas seul. Le copain de volée non plus n'a rien vu venir, lui il serait surement déjà à Bellegarde. Et puis la succession de soucis me tue, sincèrement. Mes passagers, ils veulent rentrer chez eux, et moi j'ai juste envie de les ramener. Voie libre, enfin, pas loin de 50 minutes de retard. Pas dramatique, mais sur un trajet qui n'en prend que 35, de minutes, c'est assez peu glorieux. Bon allez, on roule, on fonce, on vole. J'avales les kilomètres, et reprend 4 minutes en arrivant à Bellegarde. Néanmoins je ne suis pas fier, mais alors pas fier du tout. Car maintenant, il me faut rentrer, et vu mon retard je parie qu'il faudra encore que j'aille chercher la rame que j'ai abandonné sur la 14 de La Plaine. Punaise... [A suivre] Modifié 14 mai 2014 par likorn 15
likorn Publication: 29 janvier 2015 Auteur Publication: 29 janvier 2015 (modifié) Après avoir changé de bout, me voici sous le carré avec l'agent d'escale de Bellegarde qui attend à côté de moi, sur le quai. Etant arrivé après mon heure de départ, je suis totalement hors de mon sillon de retour ce qui n'est pas sans causer quelques soucis en ces heures de fort trafic. Le seul avantage, c'est que dans le sens Bellegarde-Genève, il n'y a presque personne et que les rares passagers souhaitant faire ce trajet on pris un TER (à l'heure, lui) de la SNCF. Derrière moi, il n'y a qu'une donc qu'une infortunée passagère. -Bon alors la trottinette est prête à remonter, tu penses l'envoyer quand? demande l'escale. -...Euh...Alors demande lui de m'appeler pour une divagation de bestiaux. L'agent me regarde, ne sachant pas trop comment interpréter mon regard mélangeant haine, désespoir et fatalisme. "Aucun collègue ne me croira jamais... Seul L réussissait à avoir autant de merde sur un seul train!" finis-je par articuler. La dictée est simple, et je connais suffisamment bien la ligne pour me rendre compte que les animaux annoncés doivent être à hauteur de l'avant-dernière ferme avant la frontière, celle située à gauche près de la zone à huitante kilomètres à l'heure. Et puis bon, j'ai une marche prudente mais les animaux pourraient avoir foutu le camp d'ici là. Le carré s'ouvre, je dégage, emprunte le tunnel et me retrouve évidemment arrêté au sémaphore de sortie du Longeray. De sa tour, l’aiguilleur m'annonce que le train précédant a confirmé la présence de mouton sur les voies mais qu'il est reparti. Quelques minutes plus tard, en effet, le signal passe au vert et me voila reparti en direction de la fin de mon odyssée. Russin avalé, je me mets en devoir de respecter mon ordre de marche prudente en arrivant dans la zone concernée. Rien. Rien de rien du tout. Pas l'ombre d'un pet de bestiau. Arrivé en fin de zone, je suis un peu dubitatif, ne rien voir ne me rassure absolument pas et je décide de maintenir mon allure réduite, parce que le fait que le troupeau disparaisse ne me semble pas plausible en dehors de tout avis de tournage d'un film fantastique ou de science-fiction. Et 500 mètres plus loin, après la première courbe amenant à la Plaine, les voila. Une bonne trentaine de moutons, bêlant sur les voies et solidement décidés à ne pas lâcher leur nouvel eldorado. Coups de sifflet, grands-phares, hurlement et avancées au pas ne produisent pas d'autres effets que de les faire progresser dans la file des rails, les idiots. Aussi, je m'arrête définitivement, appelle La Plaine et lui demande l'interruption de l'autre voie - que j'obtiens - puis sors de ma cabine. Dans mon train, j'informe la seule et au final amusée passagère avant de descendre du convoi, armé de mon drapeau rouge de mécanicien-berger, et me mets en devoir de repousser les moutons sur le côté. Après une amusante scène où l'on vit un type habillé d'orange gesticulant en maniant un drapeau déployé et subissant de fait un cours de gardien de troupeau accéléré, les bêtes finirent par quitter le plateau de tournage du film comique dans lequel personne ne m'avait dit que je jouais. Retourné en cabine, j'annonçais alors à La Plaine que je me remettais en marche, que l'interdiction pouvait être levée et que j'en avais plein les baguettes. À mon grand désespoir, le chef-circulation m'annonça: -Oui bon alors je te prends sur la 1 occupée dès que le TGV t'auras croisé et que la navette sera rentrée à la suite, tu es supprimé de toute façons. Une fois sur la une tu vides ta rame et mets tes passagers dans la navette en tête côté Genève et tu toi vas me chercher la Bem que tu m'as abandonnée sur la 14, ça t'apprendra à foutre le bronx. -Et gnangnangnan... Compris! Après m'être remis en marche jusqu'au signal d'entrée de La Plaine puis avoir attendu d'autres inexorables minutes, voici le rouge-clignotant se présenter et m'autoriser à rentrer sur voie une. Arrêté, mon train promptement vidé, me voila repartant sur la 14 sachant d'avance que l'attelage allait être au moins compliqué à effectuer. Il le fût, d'ailleurs, mais moins que craint au début et quelques écorchures de plus ainsi qu'un bricolage avec une branche pour maintenir le crochet dans l'axe me permirent enfin de reprendre la marche en direction de Genève, à 50 km/h de nouveau, traînant derrière moi la cause de mes ennuis qui à d'autres occasions fit encore parler d'elle. Cette fois néanmoins fut la bonne, et arrivé sur la voie 7 de Genève j'eu le très grand plaisir de voir un mécanicien de manœuvre me relever pour le remisage et la feuille m’appeler pour m'annoncer qu'il était temps de m'en retourner chez moi, le reste de mon tour ayant été remis à la réserve. Heureux, regardant ma montre, je constatais que mon périple avait durée moins de trois heures et que j'allais arriver chez moi bien en avance. Modifié 29 janvier 2015 par likorn 5
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