révo Publication: 20 septembre 2007 Publication: 20 septembre 2007 " Torchons ? Ou serviettes ?? Un grand battage médiatique ne cesse actuellement d'opérer une comparaison entre le nombre d'annuités nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein, avec 37,5 dans le public et 40 dans le privé et de déduire de ces deux chiffres que c'est inéquitable. Mais personne ne pense à préciser que le même mot « annuité » correspond à des réalités tellement différentes dans les deux régimes que la comparaison n'a guère de sens :Autant donc ajouter des torchons et des serviettes ! Démonstration : Nous avons tous appris à l'école qu'on n'ajoute pas des choux et des carottes ou des torchons et des serviettes. Tout comptable sait que des comparaisons ne sont valables que si elles sont effectuées " à structure comparable ". En tant que scientifique, j'ai le devoir, lorsque je compare deux données chiffrées, de commencer par vérifier qu'elles correspondent à la même réalité, par exemple elles sont exprimées dans la même unité. Sinon, on peut faire dire absolument n'importe quoi aux chiffres. Le mot " annuité " correspond en fait à un nombre issu de calculs totalement différents dans les deux régimes. En gros : - Dans le public, le nombre d'annuités correspond au temps où l'on occupe effectivement un emploi, au prorata du temps de travail (ainsi, 1 an de travail à mi-temps donne une demi-annuité, 1 an à 80% donne 0,8 annuité, etc.). - Dans le privé, c'est bien plus compliqué. Cela dépend d'abord des sommes perçues : On valide, pour chaque année civile, un nombre de trimestres correspondant au salaire soumis à cotisations dans l'année. C'est ainsi, pour prendre un exemple, qu'un cadre qui a travaillé 3 mois dans une année civile obtiendra une annuité entière (alors qu'un smicard qui a travaillé 3 mois n'obtiendra lui que 0,5 annuité : est-ce bien équitable ?). De même, un an de travail à mi-temps compte pour une annuité complète. On rajoute ensuite certaines périodes non travaillées : chômage (en partie), congé parental (sous conditions), etc. A cela s'ajoutent des bonifications qui diffèrent totalement entre les deux régimes, dont la bonification pour enfant accordée aux mères (2 ans dans le privé, 1 dans le public)(1). En résumé il est parfois plus " facile " d'obtenir des annuités dans le privé que dans le public. Voilà un exemple qui montre bien les limites de cette comparaison. Puisque les médias se sont fait l'écho de certains avantages (oubliant les inconvénients) des femmes fonctionnaires mères de 3 enfants, prenons l'exemple d'une mère de 3 enfants qui décide de travailler 8 ans à mi-temps pour les élever : - - Si elle est dans le privé, elle aura une bonification de 6 annuités et les 8 ans à mi-temps compteront pour huit annuités. Pour obtenir une retraite à taux plein (40 annuités), il lui faudra donc obtenir 40-8-6, soit 26 annuités supplémentaires. - - Si elle est fonctionnaire, la bonification sera de 3 annuités et les 8 ans à mi-temps compteront pour 4 annuités. Pour obtenir une retraite à taux plein (37,5 annuités), il lui faudra travailler effectivement 30,5 années à plein temps. Est-ce bien équitable ? ______________________________________________________________________ (1) Vous pensez peut-être que ce projet, qui se veut équitable, va revenir sur cette différence ? Détrompez-vous : s'il instaure une validation des périodes de congé parental, le projet supprime purement et simplement la bonification d'un an des femmes fonctionnaires, pour les enfants nés après le 1er janvier 2004 ! Mais la suite parait claire : s'il passe, vous entendrez dans quelques années à la télévision : " Dans le privé il y a une bonification de 2 ans par enfant qui n'existe pas pour les fonctionnaires, > c'est inéquitable ". Et on supprimera la bonification des mamans du privé ! ______________________________________________________________________ > Tout cela pour dire que comparer le nombre d'annuités nécessaires pour obtenir une retraite à taux plein dans les deux régimes et en déduire que ce serait inéquitable car 37,5 est inférieur à 40 n'a aucun sens et relève de l'imposture. D'autant plus que la notion de " retraite à taux plein " n'a strictement rien à voir entre les deux régimes et qu'on ne tient pas compte des retraites complémentaires du privé ! Un jour où j'avais pris un énarque en flagrant délit de comparaison de chiffres incomparables, il m'avait répondu : " D'accord, mais vous, vous vous intéressez au sujet. Pour les gens, il faut des idées simples !". > Je ne voudrais pas que l'opinion publique soit convaincue que les fonctionnaires seraient des privilégiés du simple fait que les médias colportent une idée aussi simple qu'inexacte. > II n'empêche que cette stratégie de dresser le privé contre le public, sur la base d'une " idée simple " permet de faire passer au second plan certaines réalités. > Elle permet d'oublier que la réforme Balladur de 93, en augmentant la durée de cotisation de 37,5 à 40 ans (là on peut comparer les données puisque c'est le même régime), mais surtout par l'introduction de la décote et l'allongement de la période de référence, a déjà diminué et surtout va encore dégrader fortement les retraites du privé. Elle permet de faire passer au second plan que la réforme ne concerne pas les seuls fonctionnaires, puisque l'on va passer pour tous, de 40 annuités en 2008 à environ 42 en 2020. C'est faire oublier un des principes de ce projet de loi, qui me pose personnellement problème. > Alors que depuis le dix-neuvième siècle, l'augmentation de la richesse de la France (et des pays riches) est allée de pair avec une diminution phénoménale de la part de sa vie qu'une personne consacre à travailler, le projet revient sur l'histoire, en décidant que désormais, sur une vie, la proportion du temps consacrée au travail ne devra plus diminuer. J'entends d'ailleurs tous les jours dans les médias des personnes me dire sur un ton docte et péremptoire: " il faut que les français comprennent qu'il faut travailler plus ". Soit, ils ont peut-être raison. Mais dans la mesure où une telle affirmation est contraire à ce qui s'est passé dans les 150 dernières années, je considère, en tant que scientifique, qu'ils doivent justifier leurs affirmations. Or je n'ai jamais entendu personne me donner un véritable argument selon lequel nous serions vraiment aujourd'hui dans une situation nouvelle justifiant une inversion du phénomène historique, c'est-à-dire une augmentation du temps de travail. Elle permet de faire oublier que ce projet est un choix politique de faire supporter aux seuls salariés actuels (pas aux employeurs ou à l'impôt) le coût de l'augmentation de l'espérance de vie, en justifiant cela par une nouvelle " idée simple " : On nous répète qu'il n'y aurait pas d'autre choix, ce qui est bien sûr faux. > Surtout, cela permet d'occulter le fait que les inégalités au sein du privé sont bien plus criantes qu'entre le privé et le public. Dans le privé, tout va dépendre de la convention collective, de la taille de l'entreprise ou encore du temps partiel subi ou choisi. Vaut-il mieux être employé à temps partiel subi d'une PME du nettoyage ou à temps plein d'une grande entreprise, avec un accord 35 heures, un CE et une convention collective très favorables ? > Claude Danthony, > Maître de conférences de mathématiques à l'École normale supérieure de Lyon (article de 2003)
SATANAS Publication: 20 septembre 2007 Publication: 20 septembre 2007 Surtout, cela permet d'occulter le fait que les inégalités au sein du privé sont bien plus criantes qu'entre le privé et le public. Dans le privé, tout va dépendre de la convention collective, de la taille de l'entreprise ou encore du temps partiel subi ou choisi. Vaut-il mieux être employé à temps partiel subi d'une PME du nettoyage ou à temps plein d'une grande entreprise, avec un accord 35 heures, un CE et une convention collective très favorables ? Ca personne n'en parle parce que ce n'est pas dans l'intérêt personnel de ceux qui nous gouvernent.... Stock option en tète....
michael02 Publication: 21 septembre 2007 Publication: 21 septembre 2007 (modifié) Une des faillites du dialogue social est d'avoir créé des inégalités, ce n'est pas faux. Les inégalités existent entre professions, les "régimes spéciaux" en sont une expression... Ces inégalités commencent avec les conditions de travail, les avantages sociaux, les 'oeuvres sociales', que ne connaitront jamais les salariés des toutes petites entreprises pas plus que la mutuelle santé, les prestations d'un CE etc... Seule la Sécurité Sociale assure pour tous des prestations quasi équivalentes. On a échappé au pire dans ce domaine, mais les assurances privées y parviendront et excelleront en réntabilité. Ce sont les moins lotis qu'il faudrait aligner sur les mieux lotis... Or on assiste à la démarche inverse. Il y a de vrais problèmes à prendre en compte : - ce qui relève de la pénibilité présente un peu partout sous différentes formes : travail posté, horaires imprévisibles, travail à la chaîne, bruit, travail de force, contraintes physiques, mobilité imposée et déplacements, insalubrité, intempéries, produits dangereux... - ce qui touche à la responsabilité : sécurité, enseignement, transports ou maniement de fonds, transport en particulier de personnes, soins aux personnes et secteur médico social, service public... - .................... S'y rajoutent les effets des pratiques détournées de la gestion du personnel, la pression aux objectifs, le stress, le harcèlement, les mises au placard, les licenciements... A partir d'une base commune, c'est des contraintes propres à chaque catégorie de métiers qu'il faut raisonner et rééquilibrer, et non pas de branche ou d'entreprise à une autre... Par exemple, pour ce qui est des métiers administratifs que l'on rencontre partout, il devrait y avoir des dispositions plus uniformes... Modifié 21 septembre 2007 par michael02
gpl Publication: 21 septembre 2007 Publication: 21 septembre 2007 (modifié) Il est vrai qu'il faut comparer sur des bases comparables, et que rien n'est simple... Mais il est tout aussi souhaitable de commencer par prendre des exemples simples. Je veux bien que le cas de cette dame soit représentatif, mais bon... la moyenne des familles est déjà en dessous de 2 enfants par foyer, et la plupart des gens travaillent à temps plein... Donc prenons le cas un peu plus répandu d'un homme qui travaille à temps plein, et dont le nombre d'enfants n'influe par sur sa retraite. Par ailleurs, il est peut-être aussi plus facile de travailler à mi temps dans la fonction publique que dans le privé. Cela étant, si le public trouve que la situation dans les entreprises privées est plus intéressante, on ne devrait pas avoir de souci pour aligner les régimes sur ceux du privé il me semble.... En même temps, je trouve effectivement difficilement acceptable de se voir retirer des avantages. Il aurait mieux valu par exemple conserver l'âge de la retraite à 50 ans pour les cheminots embauchés, et dire aux nouveaux : pour vous ce sera 60 ou 65 comme tout le monde. Ainsi il n'y a pas tromperie, les choses étant claires AVANT l'embauche. C'est la parabole de l'ouvrier de la onzième heure qui reçoit le même salaire que celui de la première. Lles choses étant conclues lors de l'embauche, personne n'est lésé. [Puisque les médias se sont fait l'écho de certains avantages (oubliant les inconvénients) des femmes fonctionnaires mères de 3 enfants, prenons l'exemple d'une mère de 3 enfants qui décide de travailler 8 ans à mi-temps pour les élever.] Modifié 21 septembre 2007 par gpl
michael02 Publication: 22 septembre 2007 Publication: 22 septembre 2007 (modifié) D'autant plus que la notion de " retraite à taux plein " n'a strictement rien à voir entre les deux régimes et qu'on ne tient pas compte des retraites complémentaires du privé ! Dans les documents présentés, pour les cotisations, comme pour les prestations on a bien tenu compte du cumul CNAVTS+ complémentaires obligatoires pour le régime général, face à la retraite SNCF d'une seule composante. Le régime "global" de la caisse de prévoyance sncf peut et doit être comparé au total CNAVTS+complémentaire du régime général. Pour le régime général, on observe pour 40 annuités validées à 60 ans que le calcul laisse espérer une retraite mensuelle de l'ordre de 60 % du dernier net mensuel. Cela semble être une moyenne pour les non cadres. Et à la SNCF? c'est mieux non? En ce qui concerne la différence entre les 371/2 annuités du public, et les 40 du "privé" (il y a des emplois publics au régime général), tu as raison de faire remarquer que les calculs de bonification ne sont pas les mêmes, donc qu'il y a difficulté à comparer. La comparaison n'est objective qu'entre des personnes n'ayant vécu aucun évènement générateur d'équivalances... Ca existe... Modifié 22 septembre 2007 par michael02
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